Court-bouillon de crevettes avec du riz

La gastronomie martiniquaise est riche de par les différents apports qui l'ont enrichi, et raffinée telle qu'est la cuisine française. Grandement inspirée par la cuisine française dont elle a conservé l'héritage en reproduisant plusieurs plats typiques hexagonaux, elle y a ajouté ses propres produits agricoles, ses épices et ses saveurs. Ainsi quiches, tartes, pâtisserie, soupes, potages et autres baguettes et fromages se retrouvent fréquemment sur les tables des martiniquais ou dans les différents restaurants de l'île.

De la cuisine française à la cuisine créole : histoire de la gastronomie martiniquaise

Débuts de la cuisine française

Banquet des « Très Riches Heures du duc de Berry »La gastronomie française est réputée dans le monde entier pour sa finesse, ses goûts variés, son élégance et sa richesse selon les différentes régions qui la composent. Ainsi dès le Moyen-Âge, les nombreux banquets qu'organisaient les élites bourgeoises ont porté haut une nourriture décorée et assaisonné par des chefs tel que Guillaume Tirel (1310-1365), rédacteur du Viander célèbre livre de cuisine française écrit au Moyen-Âge. C'est à la fin du Moyen-Âge qu'apparaissent les tartes à base de pâte brisée et les desserts qui étaient alors appelés « issues de table ».

La nourriture était conservée avec du sel, des épices ou du miel. La viande symbole de pouvoir et de force était largement répandue sur les tables et se consommait sans modération. Le poisson et les crustacés étaient surtout réservés à la période du Carême qui imposait une nourriture stricte et « maigre » (pauvre en graisse).

Attention, cependant, depuis même le Moyen-Âge, on ne pouvait parler de code unifié car chaque région avait ses propres plats faits à base de légumes, fruits et autres richesses locaux. De plus, elles avaient aussi des traditions et coutumes spécifiques. Seuls le fromage, le vin et la viande occupaient une place d'exception sur toutes les tables quelle que soit la région donnée. Plus tard, l'apport des épices et des herbes aromatiques venus d'Inde ou des colonies d'Amérique a encore étoffé à cette cuisine.

Quelle cuisine lors de la colonisation ?

Arrivés en Martinique, les colons ont du mal avec la nourriture locale. Peu habitués aux saveurs locales que leur proposent les Caraïbes, ils préfèrent encore se tourner vers l'Europe qui leur fournira une nourriture à laquelle leur palais était habituée. Sur les bateaux qui transitaient dans toutes les colonies françaises (Saint-Domingue, puis Guadeloupe, la Dominique, depuis le nord), se trouvaient des viandes et poissons salés pour la conservation, de la farine de blé, des légumes secs, des fromages et du vin.

Pour acheter cette coûteuse nourriture mais précieuse denrée, ils décidèrent de planter du tabac contre laquelle ils la troqueraient. Cependant, progressivement ils sont obligés de s'intéresser aux produits agricoles locaux parce que l'acheminement de nourriture était trop lent. Beaucoup souffraient de malnutrition, voire même en décédaient !

Tubercules de maniocC'est ainsi qu'ils vont s’initier au manioc et plus tard en planter pour nourrir les esclaves. Le Code Noir (article 22 de l'ordonnance de 1685), texte de loi qui régissait le système esclavagiste imposait de nourrir ses esclaves et décidait d'une ration soigneusement mesurée. Elle se composait essentiellement de farine de manioc, viande de bœuf et de morue. Il faut ajouter à cela l'igname, le chou caraïbe, les patates douces, les pois et la banane verte.

La morue était capitale dans l'alimentation des esclaves et avait comme principale qualité sa conservation optimale grâce au sel. Elle était l'objet de nombreuses spéculations. L'importance que la morue occupaient dans la nourriture des esclaves, on la retrouve aujourd'hui dans la gastronomie antillaise avec des plats comme : le macadam, le chiquetaille, le féroce d'avocat, les acras de morue ou le tinin-lanmori.

Les fruits et légumes plantés (bananes, mangue, ananas) et entretenus dans des surfaces dédiées de la plantation par les négresses de jardin étaient aussi consommés par les esclaves. Une journée, le samedi sera même laissé vacant pour s'occuper de ces jardin, c'est ce qu'on a appelé le « samedi nègre ». On peut parler de prémices des jardins créoles actuels.

En période de carême, c'est le crabe, viande dite maigre qui était primordiale dans l'alimentation quotidienne. Les jours de fête, la viande de bœuf (meilleures pièces que celles données lors des rations), les volailles et le porc arrivaient dans leur assiette uniquement lors des jours de fêtes liturgiques.

Dans la Grand'Case, les maîtres organisaient souvent des banquets fastueux. La viande y occupait une place primordiale. Elle était un symbole de richesse, de puissance et sa diversité et son importance rappelaient qui était au sommet de la hiérarchie. Dans ces banquets c'est des plats venus de France qui sont reproduits en Martinique. Les esclaves regardaient avec admiration les festins de la Grand'Case et à la fin de l'esclavage, ils reprennent certains mets de leurs anciens bourreaux.

C'est ainsi que le coq au vin ou le mouton arrive dans les assiettes des nouveaux libres lors du Jour de l'an ou le Dimanche de Pâques. Les crabes auparavant « finis » le dimanche de Pâques sont relégués au Lundi de Pâques, de là naîtra le traditionnel matoutou qui sera aussi consommé le Lundi de Pentecôte.

La cuisine créole : ses débuts, ses origines

Migration végétale et animale

Fruits et légumes en vente au marché de Fort-de-FranceSi vous allez consulter les différentes fiches de présentation des différents fruits et légumes de notre site, vous verrez que beaucoup de fruits et légumes ont été importés dans l'île lors des différentes vagues d'immigration. Les premiers habitants de l'île, les Arawaks ont amené avec eux le manioc et d'autres cultures endémiques du nord de l'Amérique du Sud (actuels Venezuela, Brésil, les différentes Guyane).

Par la suite, les Caraïbes en ont aussi importés. Puis, les colons européens ont grandement enrichi le potentiel de fruits et légumes car ils y ont emmené des produits qui venaient de plus loin, l'Asie du Sud-Est connu pour son climat tropical, l'océan Indien ou encore l'Afrique. Les esclaves africains ne sont pas en reste, on leur doit notamment le pois d'Angole consommé lors du repas traditionnel de Noël, le gombo, le chou de Chine ou dachine ou madère.

Plus tard, les Indiens amèneront encore d'autres produits ainsi que des plantes aromatiques et des épices (curcuma, gingembre, curry). Toutes les cultures provenant d'un climat tropical s'adaptent rapidement au sol local, certaines originaires de la zone méditerranéenne apprécient le climat humide et les alizés.

Ainsi toutes ces migrations végétales ont étoffé une alimentation que la population locale a su pleinement s'approprier et en faire sienne. La viande également venait d'ailleurs. Le bœuf était élevé en Irlande. Si la production s'avérait insuffisante, ils se tournaient vers l'Irlande. La morue quant à elle, provenait de Terre-Neuve au Canada.

Vers le 19ème siècle, le riz qui arrivait dans les assiettes des martiniquais provenait des États-Unis et plus tard d'Indochine. C'est vers cette période qu'il prend une importance capitale dans l'alimentation en Martinique.

Un melting-pot qui créera une cuisine spécifiquement martiniquaise

Poulet boucanéParallèlement à l'arrivée et l’intégration pleine et entière des Indiens, la société martiniquaise se créolise. Elle devient un melting-pot de diverses cultures venues de l'immigration qui ne se superposent pas les unes aux autres mais s’acclimatent et s'assimilent dans un ensemble. La cuisine créole suit la même trajectoire. Ainsi chaque apport, chaque connaissance ou savoir-faire s'associe dans la casserole de préparation des mets locaux. Cet échange sur le propos culinaire se caractérise par exemple par la façon de cuire la viande.

Des amérindiens, nous avons hérité le boucan, le barbecue et la pimentade amérindienne. Le cuisine boucanée, fait de cuire la viande ou le poisson à l'étouffée dans la fumée avait comme principal avantage de se conserver pendant six mois. Elle sera reprise par les pirates présents dans la zone qui confieront à des boucaniers dans les différentes îles de leur fournir de la viande de cochon, sanglier et bœuf. Cette viande était ensuite vendue aux équipages qui partaient parfois pour de longues traversées.

Aujourd'hui, le boucan s'utilise non pas pour sa conservation mais sa saveur. La cuisson de la viande se fait davantage en plein air, les conditions climatiques, les techniques mais aussi économiques encouragent à la cuisson à flamme ou à braise ou plutôt qu'au four. La cuisine française reste celle qui domine. La Martinique est une colonie et les codes, coutumes et valeurs françaises doivent être pleinement visibles dans l'île.

Le court-bouillon, la cuisson mijotée, le beurre, le thym, le laurier, les plantes aromatiques et les pâtisseries s'imposent dans les îles francophones quand le pudding, le cake au rhum, les viandes rôties et grillées deviennent des codes dans les îles à domination britanniques et dans les îles ibériques, les sofritos, le pot-au-feu riche en légumes, les plats de riz au poulet, les desserts aux œufs.

Le mijotage servait à la préparation des plats plus élaborés avec de la sauce. Il s'est développé avec l'arrivée des Indiens venus de la seconde vague. Originaires de Pondichéry, ils venaient avec du curry ou du curcuma dans leurs bagages.

La cuisine martiniquaise actuelle

Des fêtes chrétiennes très marquées

Pain au beurre et chocolat de communionLa Martinique est majoritairement catholique et est très pieuse. Ainsi, les fêtes liturgiques sont fêtées dans une ambiance particulière et soutenue avec à chaque occasion un repas spécifique. Les références à ces mets sont autant religieuses que symboliques. Pour fêter un événement spécial, le coq ou le mouton sont associés aux festivités, les pois (pois d'Angole, haricots roses, blancs) relève le menu et sont un symbole de prospérité pour les populations noires américaines, les légumes pays (ti-nain, patates douces, dachine ou chou de chine, igname, fruit à pain) démontrent l'attachement aux cultures locales et purement antillaises, etc...

Les fêtes se concluent au petit matin par la prise du chocolat de communion avec le pain au beurre.

Ainsi c'est des repas spécifiques sont associées à chaque fête :

  • le coq au vin qui est consommé le Jour de l'an,
  • la Galette des Rois comme en métropole pour l'Épiphanie,
  • le blaff et les beignets le Mardi Gras,
  • les crêpes lors de Chandeleur (peu célébré cependant),
  • les acras et la soupe z'habitants le Vendredi Saint,
  • le Matoutou le lundi de Pâques et de Pentecôte,
  • la viande de cochon sous différentes formes (boudin, pâtés salés, jambon de Noël, viande en sauce), les pois d'Angole et le shrubb.

De même, les restrictions religieuses concernant l'alimentation sont encore très respectées. Elles ont été toutefois assouplies au fil du temps. La viande bannie lors des jours du carême est seulement supprimée tous les vendredis et remplacée par le poisson notamment la morue ou les crustacés. Tous les habitants sont concernés par ces plats et si l'un d'entre eux à la condition plus modeste ne peut se l'offrir, la solidarité familiale ou entre voisins fait que quelque soit le niveau social, tous puissent s'offrir les repas liées aux fêtes locales.

Une transmission du savoir culinaire

Dès l'esclavage, la cuisine occupait une place importante dans la vie des locaux. Certains esclaves voyageaient même avec leurs maîtres en Métropole pour apprendre les techniques de la cuisine et la pâtisserie françaises. Il étaient appelés les « nègres à talent ». La cuisine n'était pas réservée exclusivement aux femmes de l'époque mais également aux hommes.

A la fin de l'esclavage, certaines anciennes domestiques ouvrent des tables d'hôtes ou des pensions où elles reproduisent les menus qu'elles préparaient dans les cuisines des maîtres ou qui leur avaient été transmis par les générations antérieures. Cette transmission des savoirs s'est faite dans un cadre privé, un petit cercle qui de générations en générations s'est légué un patrimoine de plusieurs siècles.

Plus tard au 19ème siècle, la cuisine française est à son apogée. Sous l'impulsion des livres de cuisine et la critique gastronome, les martiniquais rédigent leurs propres livres de cuisine qui vont se répandre dans les bibliothèques des martiniquais. Un siècle plus tard avec la priorisation du tourisme, la gastronomie martiniquaise est valorisée.

Elle devient un instrument de publicité, une vitrine pour sa particularité, son originalité et le fait d'avoir su tirer profit de la connaissance des codes de la cuisine française, les techniques amérindiennes et africaines, les apports des épices des indiens pour en faire un ensemble singulier que toute la population allait s'approprier.

Dombrés de recettesSi vous visitez la Martinique, n'hésitez pas à vous rendre dans les restaurants de l'île, vous apprécierez certainement les assiettes créoles avec des acras, du boudin, les tartines, le féroce d'avocat en entrée, le dombré de crevettes ou de lambis les légumes pays, le gratin de christophines, la purée de patates douces ou de fruit à pain en plat principal ou encore la crème glacée de fruit de la passion, le sorbet au coco ou le crumble à l'ananas comme desserts... De quoi vous faire choisir la Martinique et saliver avant même votre arrivée...

A bientôt !