Le 8 Mars de chaque année, le monde entier célèbre la femme avec la Journée Internationale de la Femme. La Martinique prénommée autrefois par les Arawaks « Matinino ou Madinina » qui signifie l'île aux femmes était une île qu'ils définissaient comme peuplée exclusivement de femmes guerrières. AZ Martinique vous fait découvrir à travers un dossier l'histoire de la femme martiniquaise, de la femme Arawak à la femme créole contemporaine, devenue pilier de la famille martiniquaise.
La femme en Martinique lors de la période pré-colombienne
La femme Arawak
Les Arawaks sont des Amérindiens originaires de l'Amazonie qui ont vécu dans l'archipel caribéen du 4ème siècle av. J.-C. au 15ème siècle après J.-C.. Le nom « Arawak » ne désigne pas un peuple à proprement parlé mais une famille linguistique à laquelle se rattache de nombreuses populations amérindiennes d'Amazonie dont les Kali'na et les Caraïbes. D'après la poterie retrouvée, ils vivaient essentiellement de l'agriculture notamment le manioc qui était la base de tous les Amérindiens de la Caraïbe, la pêche et la cueillette.
Une société de pêcheurs
En Martinique, ils vivaient près des cours d'eau (mer ou rivière) généralement sur la côte atlantique de l'île, toute la côte Nord-Est, de la presqu'île de la Caravelle jusqu'à l'embouchure de la rivière Capot qui descend du Morne Rouge, c'est-à-dire sur les contreforts de la Montagne Pelée. De là, ils s'installaient sur les faibles hauteurs dominant la plage. Ils n'aimaient pas les eaux calmes de la Caraïbe mais appréciaient la fertilité du sol volcanique.
Ce choix de location était dû au fait que les Arawaks étaient avant tout des pêcheurs. Ils seraient même les inventeurs de la pisciculture qu'ils pratiquaient avec l'aide des marées (marée basse : capture et élevage, marée haute : prélèvement si besoin). Leurs villages étaient si nombreux que la Martinique était considérée comme la capitale des Arawaks des Antilles. Les Arawaks étaient également des chasseurs mais de petits animaux (agoutis, iguanes, tortues, lamantins).
Les femmes s'occupaient généralement des tâches domestiques, de la poterie et des travaux agricoles. Elles élaboraient des récipients en terre cuite qui étaient utilisés quotidiennement quand ils étaient de facture grossière. Les poteries cérémoniales étaient finement réalisées et parfois décorées. De nombreux vestiges de cette période ont été retrouvés et sont actuellement exposés au Musée d'Archéologie et de Préhistoire à Fort-de-France.
L'importance de la poterie
La poterie n'était pas qu'un art c'était aussi une expression des croyances. Elles le faisaient à travers la décoration de leurs poteries. En réalité, la poterie arawak était un véritable art religieux. Les décorations étaient faites soit par incision, soit en les peignant ou encore en y ajoutant de petites figurines modelées appelées « adornos ». Outre la poterie, les femmes s'occupaient du travail de la terre qui était rudimentaire à l'époque. Elles se contentaient de défricher les bois et pratiquaient la culture sur brûlis. Les outils de l'époque étaient loin d'être sophistiqués et n'étaient que de simples bâtons de bois pointus appelés « coas » qui leur servaient pour fouiller la terre.
L’alimentation
Concernant la cuisine ou préparation des aliments, c'était également une tâche qui incombait aux femmes. L'aliment de base était le manioc. Le tubercule était pelé à l'aide d'outils de pierre ou de coquillages, les racines étaient ensuite râpées sur une planche hérissée de pierres ou sur un morceau de corail plat.
Le suc du manioc était alors extrait et de là, la farine obtenue était tamisée puis cuite sur de grands plateaux circulaires en céramique appelé « platine ». Cette farine donnait une sorte de galette : la cassave. Le jus de manioc, une fois fermenté, donnait un alcool de 3 a 5° qui portait le nom de "ouicou".
Le ouicou était consommé en grande quantité lors des cérémonies religieuses célébrées par les shamans. Les Arawaks récoltaient aussi des fruits, des baies, des légumes, plantes sauvages et du bois. Ils avaient diverses utilisations :
- nourriture
- peinture corporelle et protection contre les piqûres d'insectes pour le roucou (colorant naturel rouge)
- fabrication du feu (bois, brindilles, herbes sèche)
- soins médicaux concernant les plantes aux propriétés curatives.
Le travail du coton
Le coton était également récolté en grande quantité par les femmes Arawak. Elles en faisaient du fil à l'aide de fusaïoles fabriquées en terre cuite et emmanchées au bout d'une tige en bois. Ces fils, une fois tressés étaient transformés en cordages puis en cordes. Le coton était donc une matière première indispensable à la fabrication du tissu, des filets de pêche, des hamacs et des cordes.
Habitat et mode de vie
Ils vivaient soit dans des cases ou huttes en bois dénommées « bohios » par famille soit de façon commune dans des carbets. Les cases regroupées formaient un village. Un village était composé d'environ 1000 habitants avec environ 50 huttes familiales. Les plus gros avaient plus de 5000 habitants.
Les bohios étaient construites avec l'aide de poteaux de bois ou de roseau, et couvertes de chaume. Ils sont disposés en rond autour d'une place centrale. Ces huttes étaient parfois construites sur pilotis, sans doute pour éviter l'humidité ou peut-être pour se préserver des serpents, le trigonocéphale.
Le carbet était une maison commune de forme ovale où vivaient plusieurs personnes avec leurs hamacs en coton. Il était situé au centre du village et pouvait mesurer 20m de long et 8m de large. Les deux types d'habitations nécessitaient les mêmes matériaux à savoir le bois, le feuillage, et les roseaux. Une porte basse faisait figure d'entrée. Les pirogues qui servaient aux nombreux déplacements inter-îles, commercer ou à la pêche étaient fabriquées par les hommes, plus ou moins jeunes.
Organisation de la société
La société Arawak se différenciait de la société Caraïbe car elle était réputée pacifique alors que la Caraïbe était guerrière. Elle était très organisée et matriarcale, organisée autour de la mère. La filiation était transmise par les femmes. Quant au pouvoir, il n'était pas exclusivement masculin car des femmes pouvaient y accéder mais il était prioritairement masculin. Les chefs au pouvoir étaient appelés les « caciques » et il y a eu des femmes caciques. Le pouvoir se transmettait ensuite au fils aîné de sœur aînée.
La polygamie était pratiquée et la première femme avait le pouvoir sur toutes les autres épouses. Les fêtes religieuses étaient très nombreuses étant donné que les Arawaks étaient animistes. Selon eux, les animaux ont une âme. Ils honoraient leurs dieux pour leur pouvoir fécondant. Lors des cérémonies religieuses, ils dansaient et apportaient des offrandes à leurs dieux. Ils entraient en contact avec eux grâce aux « Zémis », qui étaient des petites idoles de différentes formes. Chaque famille avait son Zémi.
Les populations Arawak vivaient nues. Les femmes portaient un cache-sexe en coton une fois mariées (cf voir photo ci-dessus) , les hommes parfois aussi. Il a été rapporté (par Pierre Martyr d'Anghiera) que Christophe Colomb lors de son deuxième voyage vers la Caraïbe aurait rencontré des Arawaks à Saint-Domingue qui lui aurait parlé d'une île plus à l'Est, peuplée exclusivement de femmes et qu'ils appelaient Matinino, nom qu'il traduit dans son journal par isla de las mujeres, « l'île aux femmes ».
Cependant, l'île n'était pas peuplée exclusivement de femmes d'après la description qu'il en a fait dans son journal.
La femme amérindienne Caraïbe
La femme Caraïbe partage de nombreux points communs avec la femme Arawak mais les deux civilisations étaient tout de même bien identifiables de part leurs rites, leurs outils, l'organisation de la société, leur caractère, etc...
Description physique et habillement
La Caraïbesse portait pour seul habillement une camisa, bande de coton liée sur les reins. Elle portait également une sorte de jambière entre la cheville et le genou. Elle se parait de bijoux : colliers, bracelets faits avec une sorte d'émail, la rassade, des pendants d'oreilles à pierres bleues et d'autres bijoux divers faits de conques de lambis travaillées. Les jours de fêtes, elles mettaient des ceintures de coton multicolores où sont accrochés des grelots destinés à rythmer leurs danses.
Cohabitation entre les femmes Arawaks et Caraïbes
Les Caraïbes arrivent dans l'archipel antillais aux environs du 10ème siècle, c'étaient de farouches guerriers, sanguinaires et cannibales. La chair humaine n'était pas une nourriture, elle était consommée uniquement lors de sacrifices humains en mangeant son ennemi pour « s'approprier sa force ». Ils prennent possession des îles des Grandes Antilles puis des Petites Antilles.
A l'arrivée des Caraïbes, si les hommes sont vus comme du simple gibier et sont exécutés, les femmes elles sont maintenues en vie . Elles intégraient la structure familiale des Caraïbes en devenant des épouses des hommes Caraïbes et connaissaient le même sort que les Caraïbesses. Ainsi on ne peut pas dire qu'elles étaient inférieures aux femmes Caraïbes mais leurs égales. Les femmes Arawaks ramenées en trophées de guerre devaient aider les femmes Caraïbes dans les tâches domestiques et des travaux agricoles.
Entre elles, elles parlaient leur langue mais devaient également apprendre quelques notions de leurs maîtresses. Les femmes Caraïbes ont alors appris la langue des femmes Arawaks de telle sorte qu'à l'arrivée de Christophe Colomb, les hommes et les femmes ne parlaient pas la même langue. Elles parlaient la langue Arawak alors que les hommes parlaient la langue Caraïbe.
Tâches quotidiennes
Le travail quotidien était bien segmenté entre hommes et femmes avec des activités bien précises pour l'un ou autre camp. Les femmes devaient s'atteler à de nombreuses tâches quotidiennes. Ainsi elles s'occupaient de la cuisine, la poterie, le tissage du coton pour confectionner des vêtements, le soin des enfants et parfois des maris !
Elles étaient aussi responsables de la récolte du manioc. Cette dernière était très difficile et physique. Les femmes devaient aller parfois loin de leur domicile pour trouver le manioc et fouiller le sol avec des instruments rudimentaires. Elles le transportaient ensuite sur le dos en empruntant parfois des chemins raboteux et après l'avoir nettoyé et préparé en faisaient des cassaves puis de la farine de manioc ou la moussache (autre nom de la farine de manioc). Ainsi cet acte essentiel de la vie quotidienne des Caraïbes était effectuée par des femmes.
Elles s'occupaient également de tisser le hamac qui leur servait de lieu de couche. Jour et nuit, elles tissaient, elles entretenaient aussi leur jardin, préparaient le ouicou (boisson faiblement alcoolisée (3-5°) à base de jus de manioc fermenté) qui était consommé lors des soirées de débauche. Elles se faisaient également des bottines de coton les unes aux autres.
Les femmes étaient également celles qui prenaient soin de la santé de la famille. Elles connaissaient les remèdes et huiles pour panser les plaies comme l'écrit Jean-Baptiste Du Tertre (1610-1687), un prêtre dominicain et botaniste français ayant visité la Martinique : « elles ont une connaissance merveilleuse des simples avec lesquels elles guérissent une infinité de maux. »
Des droits restreints
Les femmes étaient entièrement dévouées à leur maris et n'avaient pas le droit de se fréquenter sans la permission de leur mari qui a un total contrôle sur leurs actions. Les jeunes filles étaient plus libres mais elle devaient toutefois aller à la récolte du manioc à la montagne. Les petits garçons faisaient des petits bateaux et des pirogues pour savoir les faire lors de l'âge adulte.
Les femmes caraïbes consacraient aussi beaucoup de temps à leur beauté. Elles se peignaient trois par jour et rougissent leurs cheveux avec du roucou (colorant naturel rouge encore présent et visible sur les marchés martiniquais).
Des hommes beaucoup plus « oisifs »
Les hommes eux s'attelaient à des activités telles que la pêche, les travaux de la terre (défrichage), la vannerie et la fabrication de filet notamment. Le matin, ils étaient plus « oisifs » consacrant leur matinée à leur bain dans les cours d'eau, se réchauffer près d'un feu où ils discutaient et jouaient à la flûte jusqu'au déjeuner (viande, poisson, crabes assaisonnés de pimentade et gâteau de manioc) préparé par leurs femmes. Lors du déjeuner, elles servaient d'abord leur mari et ne mangent que quand ces derniers sont repus et ont fini de se restaurer. Ce n'est qu'après le déjeuner qu'ils s'adonnaient à leurs tâches quotidiennes jusqu'au coucher du soleil.
Les hommes étaient polygames et pouvaient avoir jusqu'à 5 ou 6 femmes quand ils étaient capitaines. Les autres étaient limités à 2 ou 3. La première épouse demeurait dans le logis et les autres étaient séparées dans d'autres villages où le mari leur rend visite quelques fois. Une femme mariée ne devait pas s'offrir à un autre homme que son mari. Découverte, elle était châtiée avec son amant.
Père Labat était admiratif de cette société où la femme était totalement dévouée à son mari. Il a notamment écrit :
Cette coutume toute extraordinaire qu'elle paraisse d'abord, n'est pas trop sauvage. Après quelques réflexions, elle m'a paru remplie de bon sens et fort propre pour contenir ce sexe superbe dans les bornes du devoir et du respect qu'il doit aux hommes. Les Caraïbes ne sont pas les seuls qui en usent ainsi ; je rapporterai... quelques exemples sur lesquels les Européens devraient se régler pour éviter bien des chagrins.
Lorsque les Caraïbes voient arriver les Européens qui veulent rafler leurs terres, ils tentent d'abord de résister mais une grande bataille en 1658 aura raison d'eux. Ils sont tués ou fuient vers l'île de la Dominique au nord de la Martinique. C'est la fin du peuplement caraïbe en Martinique.
Les femmes sous la colonisation et l'esclavage
Durant la colonisation et après la fin des Indiens Caraïbes, la population était exclusivement noire et blanche. Attention cependant elle était très segmentée et hiérarchisée. Plus un individu avait du sang blanc (le sang pur) et plus il jouissait d'avantages et de libertés. On remontait à plus de 6 générations pour classifier la population. Ainsi la base était de 256.
Si une personne avaient 256 parties blanches (arrières-grands-parents de ses arrières-grands-parents) elle était blanche. En deçà, elle était « sang-mêlé » et encouragée à continuer son union avec les blancs. Ensuite, on retrouve le mamelouc (1 arrière-grand-parent noir), le quarteron (1 grand-parent noir), ou le métis ou le mulâtre (1 parent noir), puis le câpre ou le griffe enfant d'un mulâtre et d'un Noir et enfin le Noir.
L'épouse du colon : la femme de la société de l'élite
Une traite des Blanches ?
Au début de la colonisation, la population d'origine européenne était presque exclusivement masculine. Les femmes ne sont arrivées en grand nombre qu'après que les Indiens Caraïbes eussent été chassés des terres. Ce sont essentiellement des orphelines et des prostituées qui furent envoyées en Martinique dans un phénomène qui a été appelé la « traite des Blanches » par des associations féministes françaises. Le but était de procurer des épouses aux nobles (cadets), marins, marins, soldats, commerçants, ouvriers, engagés (Blanc travaillant 3 ans sur une plantation) ou les indigents envoyés de force en Martinique.
Entre 1680 et 1685, 250 filles blanches sont envoyées en Martinique par Versailles. A la demande de ces nouveaux habitants de la Martinique, les capitaines de navire amenaient en plus de leur chargement un groupe de femmes, « pauvres créatures » disposées par la persuasion à s'expatrier pour trouver un mari. Les sources divergent sur le fait qu'elles étaient volontaires ou contraintes à l'expatriation. La seule exigence des colons étaient que ces femmes soient bien portantes. Ils voulaient travailler en étant sûrs que ces femmes étaient dignes de ne pas voler les biens qu'ils avaient cumulés jusqu'ici.
A leur arrivée dans l'île, elles étaient, comme toute marchandise, présentées sur une estrade et étaient l'objet d'enchères (vente à l'encan). Le plus offrant remportait la mise. Elles étaient attribuées individuellement. Très peu de temps après l’adjudication, la bénédiction nuptiale avait lieu. De ces unions sortaient de fécondes lignées. Bien que ces « transactions » aient été longtemps niées, elles ont bel et bien existé !
Certains colons refusaient ce marché et préféraient se rendre directement en métropole pour chercher une digne compagne issue de la noblesse française. C'est le cas du colonel François de Collart qui partit en métropole pour épouser une héritière de la noble famille Sainte-Marthe de Poitou. Les européens vivant en Martinique n'étaient pas tous Français.
Ils pouvaient être aussi flamands, écossais, hollandais ou anglais. Ainsi Joséphine de Beauharnais (cf voir ci-dessous) avaient des origines orléanaises, normandes, nantaises, parisiennes et anglaises. A l'époque les unions entre hommes Noirs et femmes Blanches étaient quasi-inexistantes. Seulement au début de la colonisation, on a pu compter quelques mariages entre européennes et mulâtres.
La « Traite des Blanches » n'a pas duré longtemps parce que beaucoup d'hommes préféraient les Créoles avec qui ils avaient en commun le fait d'être nés dans l'île. Ils se tournaient donc vers des femmes esclaves ou encore des libres de couleur. Ainsi, dès 1685, l'envoi de filles blanches vers les colonies françaises ne se faisaient plus que vers Saint-Domingue. En plus des femmes noires créoles, les Blancs créoles estimaient qu'il y avait suffisamment de jeunes filles et veuves créoles ou européennes localement. L'équilibre numérique entre hommes et femmes dans la population blanche n'allait être établi qu'à la fin du 18ème siècle grâce aux naissances sur place.
Une vie passive ?
Contrairement à l'idée véhiculée, les femmes blanches européennes et femmes blanches créoles n'avaient pas une vie passive. Elles n'étaient pas non plus que des génitrices tel qu'on pourrait le croire. Ces femmes étaient des mères au foyer, des épouses, des nourrices, des marchandes, des institutrices, des actrices ou organisatrices de spectacles, des propriétaires de boulangerie, des rentières, et même parfois des maîtresses de plantations. Elles n'étaient pas non plus riches d'office. Certaines avaient des conditions de vie des plus modestes, elles venaient soit d'arriver de métropole ou encore n'étaient pas mariées.
Elles étaient obligées de travailler pour subvenir à leurs besoins nourriciers. Les femmes mariées n'étaient pas reste. Elles ont aussi travaillé et ont parfois occupé des postes de marchandes notamment dans les villes de Saint-Pierre et de Fort-Royal (ancien nom de Fort-de-France). Les marchandes vendaient localement des matières premières ou encore des biens fabriqués (robes, confiseries, liqueurs) localement. Elle était en faible nombre dans le commerce transatlantique.
Quand elles arrivaient en Martinique, les femmes n'avaient pas la garantie d'épouser un colon installé sur place, ni même de pouvoir rentrer en métropole car il fallait pour cela posséder les frais de retour pour le long voyage transatlantique. Elles devaient donc travailler pour subvenir à leurs besoins. Elles intégraient la maison des propriétaires terriens en vivant sur la plantation, et y travaillaient soit comme domestiques, couturières ou nourrices. Concernant ce dernier métier, on leur préférait les Noires qui avaient une « nourriture plus régulière et étaient moins impressionnables ».
Les femmes pouvaient hériter de leur mari la gestion de leur plantation à leur mort. Elles devaient donc être à même de pouvoir gérer la plantation à tout moment, tout en ayant leur rôle de mère à endosser. Quant à leur rapport avec les esclaves, on aurait pu croire que les femmes auraient eu un comportement plus souple avec les esclaves mais il n'en a rien été. Elles se conduisaient telles que leur mari défunt et torturaient de la même façon hommes et femmes en cas de comportement inapproprié aux règles dans la plantation.
Il n'y a pas non plus eu de « sororité » (fraternité de femmes), les femmes esclaves subissaient les mêmes châtiments que les hommes. Certaines ont cependant souhaité l'affranchissement de leurs esclaves et l'inscrivait dans leur testament mais la politique de l'époque n'était pas favorable à ceci. Jeunes, elles allaient à l'école où les cours étaient donnés par des Sœurs venues de métropole. Dès leur plus jeune âge, on leur enseignait tous les rudiments pour être de futures bonnes épouses et mères au foyer.
L'enseignement était plus religieux que théorique. La prière tenait la même place que l'apprentissage de la lecture et l'écriture. En effet, à l'époque être mère n'était pas qu'éduquer son enfant, c'était aussi lui transmettre les enseignements religieux et cela était une tâche qui incombait aux femmes blanches créoles.
Joséphine de Beauharnais : de créole à épouse de Napoléon
Joséphine de Beauharnais naît le 23 juin 1763 aux Trois-Ilets en Martinique sous le nom de Marie-Josèphe-Rose de Tascher de la Pagerie. Elle était la fille d'une riche famille de planteurs tout deux nés aussi en Martinique. A l'âge de 16 ans, elle est envoyée en métropole où elle épouse peu après Alexandre de Beauharnais, un ami de la famille. Elle se rapproche de la noblesse française, sa famille faisant partie de la très ancienne noblesse.
Trompée et humiliée par un mari volage, ils se séparent et Josèphe-Rose se retrouve seule avec ses deux enfants en 1794. Son ex-mari est guillotiné et elle parvient à s'échapper et sauver ses enfants. Désormais pauvre et veuve, elle rebondit cependant rapidement. Mondaine, passionnée par la mode et les toilettes, elle se complait dans les salons de dame les plus en vue de la bonne société du Directoire.
Elle fait la connaissance de Napoléon Bonaparte alors qu'elle a 32 ans, via Barras dont elle était la maîtresse... Éperdument amoureux de Joséphine qu'il prénomme de la sorte car ce prénom n'avait jamais utilisé par ses autres amants, il l'épouse le 9 mars 1796. Napoléon parti dans l'armée de l'Italie grâce aux relations de sa femme, Joséphine connue pour une être une insatiable sexuelle et une séductrice hors-pair le trompe avec un capitaine de hussards. Elle se met ensuite au service de son mari qui souhaitait conquérir le pouvoir à commencer par le coup d'État de Brumaire.
Le couple est consacré lors du sacre à Notre-Dame. Le mariage civil est renforcé par une cérémonie religieuse la nuit précédant le sacre. Incapable de donner à Napoléon, l'héritier dont il avait besoin, elle doit se résoudre à divorcer pour raison d'état le 16 décembre 1809. Elle conserve le titre d'Impératrice des Français, hérite de l'Élysée et du château de la Malmaison situé à Rueil Malmaison. Elle y finira sa vie épanouie en tant que mère et grand-mère, recevant aussi de nombreuses visites de têtes couronnées européennes.
Napoléon qui avait conservé toute son affection pour elle, continuera de lui rendre visite et même de l'aider financièrement suite à plusieurs endettements.
Elle meurt le 29 mai 1814 à l'âge de 50 ans des suites d'une pneumonie.
L'esclave, domestique et compagne
Le système d'habitation
Pour traiter de la vie de domestique sur l'habitation, il faudrait déjà expliquer en quoi consistait le système d'habitation. En arrivant dans les colonies, les colons européens s'accaparent le territoire. Souffrant de sous-nutrition et ne connaissant pas vraiment l'alimentation locale, ils entreprennent de cultiver des cultures vivrières qu'ils avaient vu chez les Caraïbes, pour se nourrir. Ils s'attèlent au défrichement par brûlis de terrains, y plantent des fruits et légumes (manioc, bananiers, poix, patates), construisent une case et y plantent du tabac.
A l'époque, le tabac servait de monnaie d'échange, il était troqué contre des produits manufacturiers venu d'Europe, du vin, des engagés et des esclaves. Ces exploitations allaient prendre le nom d'habitation. Celles-ci comprenaient des terres, des bâtiments tels que les lieux de vie du maître, les cases des esclaves ou les lieux de production et d'exploitation quand c'était nécessaire. L'habitation ne se limitait pas aux biens fonciers, c'était aussi les humains, le maître, sa famille, ses serviteurs et esclaves.
Il y avait deux types d'employés sur la colonie :
- l'engagé venu d'Europe contre un contrat pour une durée limitée et qui a l'issue de son contrat obtenait une cession de terre et
- l'esclave originaire d'Afrique dans le cadre du commerce triangulaire, pour être une main d’œuvre servile sur la plantation.
En 1671, la taille moyenne d'une habitation est de 39 hectares. Progressivement cependant, le nombre d'engagés européens chute alors que celui des esclaves explose. Les engagés ne sont plus que 1% en 1688. Cela s'explique par le fait que peu d’Européens voulaient s'engager pour travailler parfois dans les mêmes conditions que les esclaves, ni non plus avec ceux-ci. L'autre raison était que le prix de l'esclave qui s'échangeait contre du tabac, était moins coûteux que celui d'un engagé si l'on regarde que l'engagé ne devait que quelques années de services.
C'est donc comme cela que l'esclavage à été le modèle économique de l'époque car plus rentable sur la durée. Le commerce triangulaire à grande échelle pour les Antilles Françaises ne commence réellement que dans les années 1660. Il visait essentiellement les hommes, main d’œuvre physique pour assurer le travail dans les champs. Sur les bateaux transatlantiques, les femmes étaient en infériorité numérique cependant leur importance socio-économique n'en sera pas si faible dans la plantation.
D'après différentes sources, elles seraient d'un ratio de deux hommes pour une femme alors que d'autres sources disaient que les femmes constituaient 38% de la « cargaison » (Herbert S.Klein qui a analysé la traite négrière dans les colonies anglaises, hollandaises et brésiliennes).
La vie des esclaves sur l'habitation
Une fois arrivée, l'esclave était affectée à une habitation où elle pouvait occuper soit un poste à l'intérieur de la grande case comme domestique, nourrice ou sage-femme, doctoresses ou couturières c'est ce qu'on a appelé « négresse de maison », ou à l'extérieur pour s'occuper des cultures nourricières de la plantation. Elles étaient les « négresses de jardin ».
A noter que les femmes esclaves étaient essentiellement affectées au travail dans les jardins où elles devaient planter et gérer les parcelles des fruits et légumes destinés à nourrir l'habitation ou le commercer localement. Elles n'ont intégré les champs en nombre que lorsque l'économie s'est tournée vers le sucre.
Dès le plus jeunes âge, les petites filles intégraient les champs de canne à sucre. Dans les champs de canne, les travaux étaient partagés en 2 ou 3 groupes.
Les femmes étaient majoritaires au sein des groupes :
- Dans le premier groupe, les femmes étaient utilisées comme contre-poids dans le transport de la canne à sucre qui se faisait par les hommes sur des bêtes à charge (taureaux, bœufs, chevaux).
- Dans le second, elles sont chargées du sarclage (à savoir couper les herbes gênantes à l'aide d'un sarcloir).
- Enfin dans le troisième, c'était essentiellement des enfants qui le composaient. Munis d'un panier, ils devaient rassembler l'herbe arrachée et constituer des blocs de déchet de mauvaises herbes.
Dans Women and Slavery in the French Antilles, 1635-1848 de Bernard Moitt, il est décrit une scène où
une centaine d'hommes et de femmes d'âges différents sont tous occupés à creuser des fossés sur un champs de canne, la majorité d'entre eux sont nus ou encore couverts de lambeaux. Un soleil de plomb est au-dessus de leur tête. Leurs membres tombaient sous la chaleur, fatigués par le poids de leurs outils et la résistance du sol argileux [...]. La sueur coulait sur leur corps. Un silence de cimetière règne. Le manager assiste à la scène d'un œil impitoyable, avec une patrouille de plusieurs hommes armés qui donnaient des coups de picotement à tout ceux qui tombés de fatigue s'aventuraient à prendre du repos, hommes, femmes, jeunes ou vieux, sans distinction.
Concernant l'organisation du travail, les esclaves travaillaient 6 jours sur 7 car il était interdit de travailler le dimanche et les jours de fête. Les journées de travail étaient liées à l'ensoleillement. Les esclaves commençaient à travailler dès le lever du soleil jusqu'au coucher du soleil avec une pause de midi à 14h. Il était possible de commencer le matin avant le lever du soleil, mais uniquement dans des cas exceptionnels.
Les esclaves enceintes et les nourrices ne devaient pas travailler autrement que du lever du soleil à 11h, et de 15h à une demie-heure avant le coucher du soleil.
Il fallait pour une esclave avoir six enfants pour bénéficier de jours supplémentaires de repos. Pour leur alimentation, les esclaves disposaient d'une petite portion de terre où ils plantaient des fruits et légumes leur permettant de vivre ainsi que leur famille. Ils étaient libres d'y planter ce qu'ils voulaient mais devaient veiller à ce qu'elle soit tenue en bon état. En plus de cela, le propriétaire devait leur fournir morue, bœuf salé, farine, légumes secs ou racines non-plantées sur la parcelle de terrain qu'il leur avait concédée.
Les conditions de vie des femmes domestiques étaient infiniment meilleure que celles des plantations. Les nombre de domestiques variait d'une habitation à une autre. Plus d'avantages étaient accordés aux esclaves de maison qu'aux esclaves des plantation. Elles avaient par exemple plus de nourriture, un meilleur habillement et un logement plus proche de la Grand Case. Dans une maison, il y avait une multitude de domestiques. Un domestique personnel était affecté à chaque membre de la famille. Ajouté à cela, il y avait une cuisinière, deux femmes chargées du bain de leur maîtresse, 2 ou 3 couturières et 2 ou 3 chargées de diverses courses, 6 hommes esclaves étaient des exécutants du maître des lieux.
Sur chaque habitation, il y avait une case destinée aux soins médicaux pour les esclaves et le personnel en cas de problème médical. Les corrections étaient également régies par le code de Martinique datant de 1786. En cas de correction disproportionnée, le maître devait s'acquitter d'une amende de 2000 francs et en cas de récidive perdait le droit de posséder des esclaves. Si l'esclave succombait à ses blessures, le maître risquait la peine de mort. Ces sanctions n'étaient que théoriques car il eusse fallu que le maître soit dénoncé par ses esclaves et reconnu ensuite coupable par un tribunal partial.
Les « marronnages » ou fuites d'esclaves des femmes étaient plus rares que celles des hommes mais elles ont existé. Les marronnages étaient durement punis notamment chez les hommes qui subissaient les pires atrocités une fois attrapés (amputations avant d'être réintroduits dans les champs). Les femmes bien que punies ne subissaient pas des corrections similaires.
Elles étaient emprisonnées dans des prisons coloniales ou devaient porter un carcan (cf photo ci-contre), ou pire étaient exécutées si la fuite avait été longue. Dans le Code Noir qui régissait l'esclavage dans les Colonies Françaises, il était stipulé que les marrons (fugitifs) risquaient comme châtiment que soient coupées leurs oreilles. Les femmes ont également pris part à toutes les révoltes (1678, 1699, 1748, 1752, 1822 et 1833) qui réclamaient la libération des esclaves et des conditions meilleures dans les plantations.
Celles ne supportant plus leur condition d'esclave avaient différents moyens d'exprimer leur colère. Elles ont été plusieurs fois coupables de ralentissements de travail, d'arrêts de travail ou encore d'empoisonnement. Par exemple une esclave nommée Désirée, accusée d'avoir empoisonné un homme de la plantation, est jugée le 9 juillet 1827 par le Conseil Privé de Martinique. Sa culpabilité n'a pas pu être prouvée par la cour qui a retourné comme probabilité, le terme « peut-être ».
Elle est déportée à Porto-Rico comme il était coutume à l'époque de déporter les esclaves vers les colonies espagnoles à partir des années 1740. Son maître a été indemnisé en retour.
Vie quotidienne de compagne et de mère
Le mariage, quand il concernait un noir esclave, devait obtenir le consentement du maître au préalable, selon l'article 10 du Code Noir. Le Code Noir datant de 1685 était la première version du texte qui régissait la société esclavagiste des Antilles. Il avait été élaboré par le ministre Jean-Baptiste Colbert (1616-1683). Il fut promulgué en mars 1685 par Louis XIV. La seconde version le fut par Louis XV au mois de mars 1724. Par conséquent, c'était le maître qui donnait son accord pour telle et telle union et il refusait souvent certaines unions.
Pour certains, c'était le refus catégorique à tout mariage possible sur sa plantation surtout que la traite négrière permettait un approvisionnement aisé d'esclaves. L'une des principale motivations de ces refus était l'obsession du profit. Quand
le propriétaire calcule la perte de temps de la mère pendant la grossesse et pendant qu'elle nourrit, laquelle estimée en argent surpasse déjà la valeur de l'enfant; il calcule encore les risques de le perdre, sa nourriture et son entretien jusqu'à l'âge où il peut être utile.
L'allaitement maternel était recommandé car considéré comme plus sain que l'artificiel. Le lait artificiel était difficilement conservable notamment à cause de la chaleur et la négligence. L'allaitement durait en moyenne 6 à 8 mois malgré la faible alimentation de ces femmes (farine de manioc, morue, peu de viande et jamais de vin).
Une autre motivation était que l'esclave par le mariage ne sente l'égal du Blanc car l'« imitant », vivant comme lui. Enfin, comme un esclave devait être vendu avec toute sa famille, il risquait de perdre la femme et les enfants de celui-ci, une future main d’œuvre.
Concernant les enfants, leur statut à la naissance était celui de leur mère (voir ci-dessous rubrique sur le mariage). Par conséquent, si la mère était une libre de couleur, l'enfant naissait libre par contre si le père était libre et avait épousé une esclave, l'enfant était esclave et devenait la propriété du maître de sa mère. De même, si les parents tous deux esclaves, appartenaient à des propriétaires différents, les enfants appartenaient au maître de sa mère. Lors de mariage entre deux esclaves de propriétaires différents, un décret du conseil colonial devait établir chez quel propriétaire la famille se réunirait.
La fin de la traite négrière va quelque peu changer la donne car les propriétaires terriens n'étaient désormais plus approvisionnés en esclaves. C'était eux qui devaient prévoir l'avenir et donc favoriser la natalité pour leur future main d’œuvre. Ils ne devaient cependant nullement contraindre une femme d'épouser un homme contre son gré (article 11 du Code Noir). Par contre, ils usaient de leur force et leur pouvoir, pour contraindre les femmes à enfanter l'esclave de demain. Ainsi les femmes sont devenues de véritables génitrices à la fin de la traite. Quand une femme enfantait, si elle perdait l'enfant, la sage-femme et elle étaient fouettées et devaient porter le carcan jusqu'à ce que la femme retombe à nouveau enceinte.
Celles accusées ou soupçonnées de pratiques d'avortement étaient lourdement châtiées. Les sages-femmes qui étaient parfois accusées d'infanticides étaient exécutées. La mortalité infantile était très importante à l'époque. Faudrait-il s'en étonner quand on sait que les femmes même enceintes n'avaient que de faibles portions de nourriture journalières et devaient s'astreindre à de longues journées de travail. Les horaires des femmes enceintes ou les nourrices ont été assouplis plus tard, les propriétaires s'étant rendus compte que la perte d'un enfant était celle d'un futur esclave.
Avoir une épouse c'était accepter de la voir subir des sévices de la part des maîtres sans même pouvoir intervenir. En effet, sitôt la bénédiction du mariage prononcée, la femme pouvait être sujette à toute sorte d'agressions de la part des maîtres. Ainsi certains noirs refusaient de fonder une famille. Les maîtres avait tous les droits sur l'épouse de leurs esclaves et n'hésitaient pas à en profiter pour avoir des relations sexuelles non-consenties avec cette dernière. Par exemple, dans l'ouvrage L'esclavage aux Antilles françaises (XVIIè-XIXè siècle) d'Antoine Gisler, est raconté un dialogue entre des Noirs et un curé où ce dernier leur demande pourquoi ils ne fondent pas de foyer. Ils répondent : « mon maître prendrait ma femme dès le lendemain de mon mariage ».
De plus, les corrections apportées par le maître se faisaient sur des corps dévêtus entièrement en présence de tout l'atelier. L'homme pouvait donc voir le maître dévêtir sa femme ou sa fille et la fouetter devant tous les autres esclaves et le personnel de l'habitation sans pouvoir réagir ! Quant aux enfants, sitôt qu'ils savaient marcher, ils étaient également pris au service du maître ou sinon étaient les « jouets » des enfants de ce dernier. Ceux-ci, dès leur plus jeune âge étaient de véritables petits despotes. Ils savaient déjà se montrer supérieurs à leurs compagnons de jeu.
Le mariage avec un blanc comme solution d'une vie meilleure ?
Les libres de couleur sont des enfants nés de l'union d'un Noir et un Blanc, les affranchis et leurs descendants. A l'époque, le métissage constituait un problème localement. Il était critiqué par les autorités locales et fortement déconseillé de se marier entre personnes de couleur de peau différente. Ce type d'unions très rare était mal perçu par les colons qui parle de « dépravation du sang ». Ce préjugé va renforcer avec la classification de degré du sang (blanc, sang-mêlé, mamelouk, quarteron, mulâtre, câpre ou griffe, noir) au 18ème siècle.
Au début de l'esclavage en Martinique, peu de blanches étaient présentes en Martinique. Aussi, les colons pour avoir des enfants devaient choisir entre une femme caraïbe avant que les Caraïbes ne soient chassés de l'île en 1658 ou les femmes noires esclaves. D'ailleurs, beaucoup de femmes noires y voyaient dans ces unions avec des Blancs l'occasion d'améliorer leur situation car elles leur permettaient d'être libres et garantir une vie meilleure à leur(s) enfant(s) qui naissai(en)t de ces unions. Quand le maître de l'esclave était le père de l'enfant de l'esclave et qu'il reconnaissait sa paternité, l'enfant est déclaré libre à la naissance et le père devait prendre soin de son enfant jusqu'à l'âge de 12 ans.
Si un autre homme blanc était le père et assumait sa filiation, il devait dédommager le maître de la femme esclave car ce dernier perdait un esclave perpétuel. Lorsque le père n'était pas identifié, l'enfant restait esclave et appartenait au maître de sa mère. Il effectuait 20 ans de service et après il était libre. Ainsi en Martinique en 1680, on recense 314 mulâtres.
A titre de comparaison sur l'île de la Barbade, 350 mulâtres étaient présents la même année alors qu'il y avait 8 fois plus d'esclaves. Ce phénomène va se réduire avec la « traite des blanches » (cf voir ci-dessus) bien que les filles de couleur restaient préférées aux nouvelles venues considérées comme étrangères. Ruau Palu, agent général de la Compagnie en 1793, puis le Code Noir en 1685 vont inverser la tendance car si auparavant les enfants mulâtres étaient affranchis désormais le statut de l'enfant sera le même que celui de la mère.
Ainsi un enfant né d'une mère esclave sera esclave qu'il soit ou non de père blanc. Seul le mariage de ses parents lui pourvoyait son affranchissement. Quand on sait qu'à l'époque, les femmes esclaves pouvaient subir les pires sévices sexuels, on comprend la dure vie que pouvaient endurer les enfants nés de ces unions car ils devenaient ainsi l'esclave de leur propre père et étaient la preuve vivante du viol subi, pour la femme qui l'avait mis au monde. Dans les cas de viols, la responsabilité incombait à la femme esclave.
La vie était donc très différente pour le mulâtre né de parents mariés qui pouvait prétendre à des études puis un poste élevé sur l'habitation (contremaître, procureur, économe-gérant) de son père ou hériter de lui tandis que le « bâtard » devenait un esclave tel que l'était sa mère. Pour ce dernier, il devait au moins 20 années de service à son père avant d'espérer un affranchissement et cela n'était possible uniquement si ce dernier en faisait la demande (librement de son vivant ou dans son testament). Auparavant cela était plus automatique. Ces lois ont eu pour effet d'augmenter le nombre d'esclaves mulâtres sur les plantations. En Martinique, le nombre de mulâtres esclaves passe de 30 en 1664 à 314 en 1687.
Les femmes après la colonisation
La fin de l'esclavage va changer complètement la face de la Martinique qui ne sera plus une économie basée sur l'exploitation d'une main d’œuvre servile mais sur une économie de type coloniale. Des vagues d'immigration se succèdent pour combler les départs des anciens esclaves noirs des champs. Ces nouveaux migrants condamnés à de rudes conditions de travail, une misère forte et une dépendance totale vis à vis de leurs employeurs.
Début de la femme créole
On définit par le terme créole toute personne issue de l'immigration coloniale née en Martinique. Les Colons blancs nés dans les Antilles se sont souvent attribués le terme de « créole », un terme devenu au fur et à mesure du temps plus attribué à la population noire post-esclavage et née dans l'île. La vision et la description que l'on faisait des femmes n'étaient plus les mêmes. Ainsi selon les descriptions que l'on retrouve de l'époque, les femmes nées dans l'île n'avaient plus rien à voir avec celles qui y étaient arrivées il y a quelques siècles ou décennies.
La femme blanche créole
Les Blancs nés en Martinique n'étaient plus des Européens à proprement parlés. Ils étaient des Blancs créoles (Issues de la lignée européenne des colons présents en Martinique depuis parfois plusieurs siècles et nés dans l'île). Selon Père Labat, la femme blanche créole avait le
teint mât, une grande délicatesse de traits, svelte et flexible comme un roseau, elle a les mouvements gracieux, le regard étincelant, le sourire franc. La bonté, la douceur, la sensibilité sont unies chez elle à une indolence et à un laisser-aller qui répandent un charme troublant sur toute sa personne.
La femme noire créole
De la même façon que la femme blanche créole, la femme noire créole n'était plus la femme africaine venue comme esclave en Martinique.
Elle était physiquement, élancée et bien proportionnée. Ses membres sont dégagés et les traits du visages plus délicats, le nez moins aplati, les lèvres moins grosses que chez les Africains. Sa peau n'a plus la teinte aussi noire que celle de son ancêtre, elle est plus satinée, les cheveux sont plus encore laineux mais d'une laine plus souple.
La femme métisse ou mulâtre
Appelés «personnes de couleur », les mulâtres ou métis sont la « classe intermédiaire » entre le Blanc et le Noir.
Ils offrent toutes les nuances qu'on peut imaginer entre le brun foncé et le brun clair lavé de jaune. De même leur chevelure varie : tantôt elle est presque aussi crépue que celle du nègre, tantôt seulement faiblement frisé; plus souvent elle est intermédiaire.
Les métisses sont en lutte avec les deux couches de population. A la fin de l'esclavage et après l'arrivée des engagés, ils sont la classe dominante de la population martiniquaise avec près de 100 000 métis, 50 000 noirs, 20 000 blancs et 17 000 engagés indiens ou chinois.
Les « Koulies » indiennes, chinoises et congo
Tout d'abord, il convient de rétablir la définition du mot « Kouli » car aujourd'hui ce terme utilisé en Martinique n'est lié qu'aux cheveux. Aujourd'hui, un « kouli » en Martinique est un noir aux cheveux lisses tels que peuvent les avoir les populations indiennes ou descendantes des indiens. Il désigne par la même occasion les cheveux lisses. Ainsi si vous entendez ce terme aujourd'hui sachez qu'il n'a aucun rapport avec son sens initial car en effet un « Kouli » désignait une personne engagée contre un contrat d'une durée déterminé et un salaire, lors des différentes campagnes d'immigration qui ont eu lieu à la fin de l'esclavage. Par conséquent, les Indiens, Chinois et Kongos arrivés pour travailler dans les champs de canne à sucre dès les années 1850 sont tous des koulis.
La femme kongo
Après l'esclavage, les nouveaux libres refusent de reprendre les travaux dans les champs et de travailler pour ceux qui étaient jadis leurs bourreaux. Les planteurs font pression auprès du gouvernement colonial pour soumettre de force les anciens esclaves à revenir dans les champs mais celui-ci ne possède aucun moyen de pression pour les faire revenir. Ils sont donc obligés de se tourner vers l'extérieur et donc une immigration de travailleurs étrangers.
C'est un peu logiquement vers l'Afrique qu'ils se tournent, ce continent ayant fourni une main d’œuvre importante lors de la traite négrière. Cependant, il s'agira là de recruter des travailleurs libres, pour une durée déterminée, contre un salaire avec la garantie d'un rapatriement à la fin de leur contrat. Ce recrutement va se faire en deux phases.
La première de 1854 à 1856, allait se faire chez de jeunes africains libres acceptant volontairement d'aller travailler en Martinique, la seconde de 1857 à 1862, se fera sur du rachat des esclaves qui devenait libres une fois recrutés. L'esclavage et la traite négrière ayant été abolis, il était interdit de contraindre des employés à un travail forcé. Selon les chiffres entre 9000 et 10 552 africains arrivèrent en Martinique. Ils étaient appelés les « Kongos » car venant majoritairement de la région de l'Afrique centrale (Gabon et les deux Kongos).
Statutairement ils restent « immigrants » et n'ont pas la citoyenneté française telle que pouvait l'avoir les descendants des anciens esclaves. Le rapatriement qu'on leur avait promis était taxé sur leur salaire et peu (deux cas recensés) ont eu l'occasion de rentrer dans leur pays natal une fois leur contrat fini. Le salaire n'était pas le même selon les engagés. Les Indiens, suivis des Chinois percevaient plus d'argent que les Kongos. Ces immigrants africains avaient leur propre langue, parfois des langues différentes selon les ethnies dont ils provenaient.
Ils arrivaient très jeunes aux Antilles. Le recrutement s'effectuaient sur des jeunes entre 10 et 24 ans. Ils étaient donc principalement adolescents ce qui explique leur plus rapide assimilation à la culture créole. Attention cependant, dans un système de « blanchiment de la peau », la peau blanche des Chinois et les cheveux raides et lisses des Indiens étaient plus facteurs d'inclusion que chez les Kongos qui avaient la peau noire et les cheveux crépus. Au début, même la population locale, les Noirs Créoles, les méprisaient et les raillaient, les traitant de nouveaux esclaves à la botte du Béké.
L'immigration africaine avait pour raison principale que les planteurs considéraient les Africains comme meilleurs travailleurs dans les plantations. Il redoutaient cependant qu'ils s’intègrent dans la population locale qui avait des revendications salariales et s'allient avec la population locale augmentent ainsi les tensions sociales. La mortalité était forte car deux ans après, il n'y avait plus que 7000 Kongos en Martinique sur les 10 000 arrivés dans l'île. Une épidémie de fièvre jaune avait frappé la population martiniquaise faisant de nombreuses victimes.
On possède peu de sources sur les femmes Kongos et leur rôle dans la plantation et leur famille. Ce qu'on sait c'est qu'elles étaient les favorites des planteurs créoles et des Européens.
L'Africain ne semble-t-il pas être l'homme que la nature a façonné pour le travail de la terre sous le soleil du tropique ? En le faisant naître dans des régions brûlantes, elle l'a rendu insensible à la chaleur de nos climats...l'Afrique seule pouvait fournir des femmes en nombre suffisant et travaillant à l'égal des hommes, à la différence des femmes indiennes de complexion délicate et aux formes exiguës. Il était important que les femmes viennent, car plus dociles, elles pouvaient se plier facilement aux exigences d'une position nouvelles.
Ils ont été éparpillés un peu partout dans l'île même si ils étaient plus nombreux dans le Sud de la Martinique.
Les femmes et les hommes Kongos ont intégré les plantations de canne de sucre. Ils travaillaient 12 heures par jour entrecoupées de deux pauses.
La femme indienne
De même que pour l'immigration africaine, les Indiens sont venus en Martinique en tant qu'engagé pour combler le manque de main d’œuvre suite à l'abolition de l'esclavage. C'est en 1853 qu'elle aurait commencé et se serait déroulé en deux étapes. Une première étape jusqu'en 1870 avec des Indiens de la région du Sud du Madras, c'était des Tamouls. Ensuite, ils venaient de Calcutta et le nord-ouest de l'Inde. Ainsi entre 1853 et 1885 année de la fin de l'immigration indienne 25.509 hommes et femmes sont arrivés dans l'île.
Ils étaient engagés généralement sur des contrats quinquennaux, contre un salaire (12,50 francs mensuels pour les hommes et 10 francs pour les femmes) avec la promesse d'un rapatriement dans leur pays d'origine à l'issue de leur contrat. Après des voyages longs de près de deux mois, ils arrivaient dans les plantations où les conditions de vie étaient très dures. En plus de journées de travail harassantes, ils vivaient dans conditions hygiéniques déplorables : les anciennes cases laissées libres par les esclaves de 9m² et sans lumière.
De plus, la nourriture qu'ils avaient comme portion journalière était faible. Elle était composée de quelques racines et féculents, de poisson salé, mais pas de viande, ni d’huile et autres condiments et encore moins de lait. Certains employeurs forçaient leur employés à travailler jour et nuit en les payant en retard. Ils étaient également victimes de mauvais traitements de la part des planteurs. De plus, leur rapatriement à la fin de leur contrat était loin d'être systématique. Les planteurs usaient de leur pouvoir de conviction pour contraindre les engagés à rempiler pour un nouveau contrat.
Les femmes indiennes étaient employées comme domestiques dans les maisons des planteurs.
La femme chinoise
Les Chinois arrivent en Martinique juste après l'esclavage. Contrairement aux Indiens et aux Kongos, ils n'auraient pas ou très peu travaillé dans les plantations de canne à sucre. Ils se sont très vite tournés vers le commerce et ont ouvert plusieurs magasins à Fort-de-France. Initialement, ils étaient venus pour les travaux des champs sur des contrats de huit ans, mais très vite ne supportant pas l'intensité du travail et la chaleur tropicale, ils ont préféré déserter et se tourner vers le commerce. La première vague d'arrivée a eu lieu entre 1858 et 1860. Seuls trois navires (le Fulton en septembre 1859, l'Amiral Baudin en septembre 1859 et le Galilée en 3 juillet 1860), ont été affectés au transport de Chinois vers la Martinique.
A l'époque 10 000 Chinois avaient été promis aux planteurs en manque de main d'œuvre. Il n'en sera rien. Au total, seuls 978 chinois seraient arrivés en Martinique avec un nombre de femmes très restreints.
Ils provenaient de Shanghai pour les deux premiers « convois » et Canton pour le dernier. Seul un de ces immigrants, bénéficiera du rapatriement en fin de contrat. Au cours du voyage sur le Galilée en 1860, un médecin et maître d'école du nom de Yung-Ting, s'engage « en retour des avantages qu'on a promis de lui faire obtenir à la Martinique » à traiter les émigrants malades pendant la traversée. Grâce à lui, les nouveaux arrivants chinois seront dispensés de travailler dans les champs de canne, pour la plupart et se tourneront naturellement vers les agglomérations et le commerce.
A l'époque la très forte mortalité qui frappait l'île a fait de nombreuses victimes dans leurs rangs. De plus, leur faible nombre comparé à la population locale, leur ouverture à des mariages mixtes a fait que leur apport à la culture créole est beaucoup moins important que les Indiens dont le nombre était près de 12 fois supérieur !
La femme du 20ème siècle : de 1900 à la fin de la Seconde Guerre Mondiale
1900 est le siècle de transition de la Martinique qui va passer d'une économie coloniale basée sur l'exportation des fruits de la canne à la sucre (sucre, rhum) à une tertiarisation de l'emploi. La société martiniquaise était restée ploutocratique. Les Békés, descendants des colons blancs sont au sommet de la hiérarchie. Ils possèdent de vastes domaines terriens (52% de la surface totale de l'île) où la culture de la canne est pratiquée dans le but d'en faire du sucre et/ou du rhum voué(s) à l'exportation.
Les noirs et les indiens, sont cantonnés à des postes d'ouvriers agricoles. Peu intègrent les études supérieures leur permettant d'aspirer à mieux. Les mulâtres, anciens « hommes de couleur » sont les nouveaux bourgeois de cette aristocratie, ils se rêvent en médecins ou professeurs des écoles. Parallèlement, le processus d'assimilation mené par l'état français pour que la Martinique passe d'une société « coloniale d'immigrants » à une société pleinement française, est lancé.
Les femmes au travail du début du 20ème siècle à 1946
La situation des femmes change après l'esclavage dans la mesure où elles ne sont plus majoritairement des domestiques dont les tâches principales étaient l'entretien des maisons, l'éducation des enfants. Elles sont charbonnières, amarreuses, marchandes lait ou de fruits et légumes, couturières, lessivières, ou institutrices...
La charbonnière
Le travail féminin s'adapte à l'économie martiniquaise basée sur l'exportation de produits manufacturés venus de la canne à sucre (sucre, rhum). Aussi, les femmes sont sollicitées pour intégrer la chaîne de production de la récolte (amarreuses, voir ci-dessous) mais aussi sur le port de Fort-de-France où elles seront des forces de travail dans l'acheminement de marchandises vers la métropole. On les retrouve donc comme dockers ou charbonnières ou lessivières (femmes chargées de laver le linge du personnel des cargos à la rivière et le repassaient) ou encore employées à faire les courses alimentaires vouées à être consommées lors du transport.
Les charbonnières ou porteuses de charbon étaient des femmes qui portaient sur leur tête dans d'immenses mannes d'osier, du charbon notamment pour la Compagnie Générale Transatlantique chargée du transport de produits entre la métropole et la Martinique. Les paniers ou mannes pouvaient contenir 25 à 50 kg de charbon. En effet, le charbon transporté par ces femmes était essentiel au fonctionnement des bateaux car c'était l'outil de combustion qui permettait aux bateaux à vapeur de fonctionner. Ces bateaux ont existé de 1890 à 1930.
Les charbonnières travaillaient donc sur les ports de Fort-de-France et de Saint-Pierre à charger et embarquer le charbon sur ces bateaux. En 1925, elles étaient plus de 500 sur le port de Fort-de-France. Elles travaillaient parfois de 6 heures du matin à 16 heures pour un salaire de 25 centimes la manne. Mères de famille parfois seul revenu du foyer, leur salaire leur permettait de prendre soin de leurs enfants.
A partir de 1935, les bateaux sont désormais alimentés en mazout. Ces femmes deviendront alors dockers ou encore travailleront dans le transport de bananes. Les femmes martiniquaises vont jouer un rôle syndical fort. Les charbonnières ont été les premières à se syndiquer dans ce qui était appelé la « Corporation des Charbonniers et des Charbonnières de Saint-Pierre ». Cette dernière devient un syndicat actif avec une antenne à Terres-Sainville de Fort-de-France.
La Martiniquaise, « amarreuse » dans les plantations de canne à sucre
En 1900, la Martinique était une colonie française complètement dépendante de la métropole avec qui elle commerçait. Contre son sucre et son rhum, l'île achetait toute sorte de produits alimentaires (farine, riz, pâtes, etc...). Cependant la concurrence nouvelle du sucre de betteraves, depuis 1884, l'île traversait différentes crises sucrières qui impactaient fortement le pouvoir d'achat des ouvriers de la canne à sucre. En février 1900, les ouvriers qui réclamaient une revalorisation salariale se heurtent à une répression qui fait 10 morts et 12 blessés tombés sous les tirs à balles réelles des gendarmes. Deux ans plus tard, la Martinique est touchée encore plus durement par l'éruption de la Montagne Pelée le 8 Mai 1902. Après un regain d'activité du sucre martiniquais, l'île devenue dépendante de cette monoculture se diversifie avec l'introduction de la banane et l'ananas et plus tard à cause des manques nourriciers liés à la Première Guerre Mondiale.
Elles intègrent les plantations de canne à sucre où elles vont travailler avec leur mari. Elles étaient des « amarreuses », ces femmes dont le travail était de lier les cannes coupées en paquets. Elles accompagnaient leur mari dont la tâche principale était de couper de la canne. Le salaire n'est plus basé sur le temps de travail mais la quantité journalière de canne à sucre coupée, liée, puis transportée par les cabrouettiers (cabrouette : charrette tirée par des taureaux). Ainsi toute la chaîne de travail était liée et la moindre défection faisait que tous les engagés étaient perdants. L'ouvrière agricole cumulait la maternité et ses travaux dans les champs.
Ainsi les femmes prenaient parfois leur bébé sur le dos et à l'aide d'un solide morceau de tissu bien fixé, elles se rendaient pieds nus pour travailler dans les champs. S'il le fallait, elles allaitaient l'enfant sur les champs puis reprenaient leur travail. La journée de travail était longue (près de 55 heures par semaine en moyenne).
L'arrivée de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) de Léon Blum en 1936 au pouvoir est porteuse d'espoir. Il établit la semaine de travail à 40 heures de travail mais les Békés, propriétaires terriens, refusèrent catégoriquement que cela soit appliqué aux ouvriers agricoles. Même les enfants participaient aux travaux des champs parfois en travaillant autant d'heures que les adultes.
En 1935, sur 25 000 ouvriers agricoles employés dans l'économie sucrière ou rhumière, 8 000 sont des femmes et 3 000 enfants dans des conditions qu'on peut aisément décrire comme de la surexploitation du travail selon la définition de l'anthropologue français, Claude Meillassoux (1925-2005), dans son livre Femmes, greniers et capitaux. Il déclare : « Il y a surexploitation quand la rémunération du travail est au-dessous du coût de la reproduction de la force de travail. » Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale en 1946, les femmes constituaient 43% des ouvriers agricoles de la Martinique.
L'éducation des femmes, un enjeu de la laïcisation de l'école
En même temps que l'abolition était prononcée le 27 avril 1848, un décret du gouvernement provisoire rendait obligatoire et gratuite l'école primaire dans la colonie. L'éducation en Martinique était séparée par sexe avec des écoles de filles ou de garçons et un corps enseignant du même sexe que les écoliers qu'il était amené à éduquer. En 1824, les premières religieuses de Saint-Joseph de Cluny débarquent en Martinique pour se charger de l'éducation des jeunes filles de l'île.
L'enseignement était différent. En plus d'un tronc commun comprenant la lecture et l'écriture de la langue française, la petite fille apprenait à être une future bonne épouse et mère de famille. De plus, l'accès aux études était plus ou moins facile en fonction du statut de la jeune fille. Ainsi une jeune fille Béké pouvait plus facilement accéder à l'école car disait-on à l'époque que les filles de couleur étaient prédestinées à un poste de domestique plus tard. Cet écart de scolarisation allait bien sûr jouer un rôle important car il condamnait les jeunes filles de couleur à la paupérisation dans la futur.
La laïcisation de l'école est une idée défendue par les mulâtres, le député Marius Hurard en tête, qui se voyaient en enseignants d'une école laïque. Citons par exemple l'écrivain mulâtre martiniquais Virgile Salavina qui dépeint l'enseignement congréganiste « totalement fermé au moindre esprit critique » cherchant à « étouffer sous l'éteignoir de leur casuistique, la raison de l'élève pour amener ce dernier à croire aux miracles les plus absurdes de l'Évangile » ou Gesner Rafina qui déclare :
Tant que la femme sera éduquée par des religieuses qui prônent une stupidité telle que la continence, elle restera esclave des commandements de l'Église.
(Les Colonies, Octobre 1882). Aussi, le mouvement anticlérical aux Antilles utilise toutes les données possibles pour démontrer les « méfaits » pour les jeunes filles d'un enseignement religieux.
Reprenant ainsi les chiffres sur les faibles résultats des jeunes filles au Brevet élémentaire, le journal Martiniquais « La Petite France » (avril 1886) avoue de ne pas pouvoir
résister [...] au plaisir de constater que sur 37 institutrices congréganistes, seule la nouvelle supérieure des Sœurs de Saint-Joseph est parvenue au brevet élémentaire.
L'enjeu principal de cette laïcisation de l'école publique était bien sûr l'assimilation à la nation française car l'école était l'outil qui dès le plus jeune âge enseignait aux enfants les valeurs républicaines et l'amour de la patrie.
L'idée largement défendue par Marius Hurard était que la laïcisation de l'école publique permettrait de lutter contre le fait que les enfants soient formés uniquement pour devenir de parfaits chrétiens et non de bons républicains. Il obtiendra la laïcisation de toutes les écoles publiques en Martinique.
L'autre problème qu'il évoquait, c'est que dans une Martinique post-esclavagiste, le fait que le corps enseignent soit des membres du clergé venu de métropole et donc Blanc ravivait l'esprit de l'esclavage. Sans refuser l'attachement à la France, il souhaitait que l'éducation des enfants soit faite par des enseignants locaux formés sur le sol martiniquais. Ainsi en avril 1882, il fait ouvrir à Fort-de-France et Saint-Pierre une école normale « pour les jeunes gens qui auraient le désir de se vouer à la carrière de l'enseignement ».
Si l'enseignement des jeunes garçons sera plus rapidement laïc, celui des jeunes filles sera plus longtemps dispensé par des Sœurs car délicat. En effet, cela imposait que plus d'institutrices soient formées et les normes sociales de l'époque ne le permettaient pas.
Cependant, en 1884, il ne restera plus d'écoles publiques en Martinique où enseignent encore les religieuses de Saint-Joseph de Cluny. Elles vont être remplacées par des institutrices laïques. Autre changement novateur, les institutrices allaient également intégrer des écoles de garçons alors qu'auparavant elles ne pouvaient enseigner qu'aux petites filles. Elles auront aussi en charge les petites classes, équivalentes du niveau de l'école maternelle actuelle.
La loi du 30 octobre 1886 du Conseil Général sur la laïcisation du personnel enseignant sous 5 ans allait confirmer la donne bien que le changement était déjà effectif lors qu'elle a été promulguée. En 1901, il ne restait alors que 3 écoles et deux pensionnats gérées par les 22 religieuses de Saint-Joseph de Cluny encore présentes dans l'île.
La créole : une femme distinguée toujours dans l'ombre de son mari
Une femme élégante et soignée
La femme noire créole se voulait être quelqu'un de distingué et raffiné de par son habillement notamment où la femme créole se pare d'un costume et de bijoux voyants. Elle portait le plus souvent une robe collante d'une coupe spéciale, et un fichu jeté sur les épaules et croisé sur la poitrine font valoir la taille flexible et les rondeurs du corps. Mais c'est surtout dans la coiffure que les femmes créoles mettaient le plus de coquetterie.
Les fillettes également avaient une tenue particulière, un foulard de soie tendu sur le front et relevé derrière la tête mais à 18 ans, elle « prend tête », c'est à dire qu'elle échange ce foulard contre le madras, un large mouchoir en coton, à grands carreaux, auquel les ouvrières spéciales ajoutent avec le pinceau, des lignes et bandes de couleur jaune. Le madras était ensuite arrangé sur la tête selon la physionomie.
Ce sont les pointes qui affectent les formes les plus variées : tantôt elles sont dressées en crête fière et provocante, tantôt écartés comme les ailes d'oiseau prêtes à vous envelopper, tantôt tournées vers la terre comme de modestes violettes. C'est tout un art de bien ajuster le madras.
La coiffe avec le madras existait depuis l'esclavage. Les femmes libres de couleur qui n'avaient pas le droit de porter de chapeaux prenaient un foulard qu'elle nouait de telle sorte d'avoir une coiffe. Seules les femmes blanches avaient le droit de porter un chapeau, symbole de coquetterie et de bienséance à l'époque. Cette coiffe avait une signification sur le statut de la femme qui le portait. Au départ, elle désignait le niveau de richesses et les circonstances de la vie. Plus tard, elle est devenue un message aux hommes.
En effet, le nombre de nœuds et la façon de le nouer désignaient la disponibilité amoureuse de la femme qui le portait :
- une pointe signifie « cœur à prendre »,
- deux pointes, « déjà prise, mais la chance peut sourire aux audacieux »,
- trois pointes, « femme mariée, cœur définitivement lié par le mariage »,
- quatre pointes « cœur susceptible d'accueillir encore des amants »,
- la coiffe moderne, en éventail,
- la coiffe de cérémonie.
Les tenues portées par les femmes créoles remontaient au 17ème siècle. A l'époque, il était interdit pour les femmes esclaves et libres de couleur de porter les mêmes tenues que les femmes blanches. Cependant, ces femmes voulant montrer leur beauté et leur goût de la coquetterie prirent soin de créer des habits qui les monteraient sous leur meilleur jour. C'est ainsi que sont nées les tenues traditionnelles de la Martinique.
Riche en couleurs, chaque robe avait une signification propre. Ainsi, la Grand'Robe, conçue dans un tissu coloré ou brillant, était portée sur un jupon et assortie d'une cape de la même teinte. La Douillette est était une robe de tous les jours, serrée à la taille en cotonnade fleurie, portée également sur un jupon.
La Titane est portée par les courtisanes de Martinique, elle se compose d'une chemise blanche en dentelles, largement échancrée et laissant découvrir les épaules. Son nom, utilisé depuis 1900, venait du nom du bal donné le dimanche entre 16 et 18 heures que fréquentaient ces jeunes femmes.
La Cotonnade en madras calandée, pouvait être en velours ou en satin pour les jours de fêtes.
La Ti'Collet en tissu uni ou vichy est portée par les jeunes filles, souvent agrémentée d'une ombrelle. Les femmes martiniquaises de l'époque étaient très attentives à leur tenue, leur paraître extérieur qu'elles soient mariées ou non.
C'est tout un art d'avoir une prestance, d'être coquette. Leur tenue rompait avec celles qu'elles portaient en étant domestiques dans les maisons des maîtres et leur figuraient un statut de femme libre et rompant complètement avec l'esclavage. Elles prenaient grand soin de coudre elles-mêmes leurs tenues ou les faisaient faire par des couturières. Ces robes étaient portées lors des jours de fête, pour se rendre à la messe, au bal ou tout simplement quotidiennement.
L'ombre de son époux
La femme du début du siècle est une femme entièrement dévouée à son mari et ses enfants. Une fois mariée, elle doit entretenir la maison, effectuer toutes les tâches domestiques, être celle qui veille au bien-être de son mari et à son épanouissement.
Une fois les enfants arrivés dans la famille, elle leur procure tous les soins nécessaires (allaitement, soins hygiéniques) jusqu'à ce qu'ils soient sevrés et en mesure d'intégrer l'école. L'arrivée des enfants coïncidait avec l'augmentation de tâches domestiques pour la mère. Car en plus de son mari, elles devaient s'occuper de leurs enfants, les aider dans leur éducation scolaire, les accompagner à l'école.
De plus, à cette époque, les familles étaient nombreuses (5 à 6 enfants par femme). La contraception était quasi-inexistante.
Lors des repas, les plus gros morceaux de viande étaient réservés au père qui était servi en premier, il était important que celui qui ramène l'argent à la famille soit en bonne santé. Ensuite la mère servait les garçons de la famille puis ses filles et elle. Lors de la naissance des garçons dans une famille, une fête était organisée alors que la naissance d'une fille était source de déception.
A noter que les familles martiniquaises étant très pieuses, les femmes assuraient l'éducation religieuse de leurs enfants et confectionnaient pour eux des tenues à base de madras pour se rendre à la messe chaque dimanche. Elles assuraient aussi le service d'éducation religieuse, le catéchisme qui avait lieu tous les jeudis (journée sans école). Les femmes martiniquaises vivaient dans l'ombre totale de leur mari où elle étaient appelées par exemple « Man Gaston » (Man en créole signifie madame) pour les rattacher constamment à l'homme qui les « possédaient ». Le terme « possédaient » n'était pas exagéré bien qu'il s'agissait des mœurs de l'époque.
Les hommes avaient un total contrôle sur les faits et gestes de leur femme. Toute décision concernant l'épouse devait être prise et signée par son mari. Elle était donc extrêmement dépendante de son mari qui s'il ne gagnait pas bien sa vie nécessitait que son épouse travaille afin d'apporter un revenu supplémentaire pour le fonctionnement du ménage.
C'est ainsi que l'on retrouve la femme qui accompagne son mari dans les travaux des champs comme amarreuse (cf voir ci-dessus) ou sur les ports dans les travaux d'embarquement et de débarquement de marchandises comme dockers ou charbonnières (cf voir ci-dessus). C'est dans ce contexte qu'est née la notion de femme « poto mitan » (voir ci-dessous). Beaucoup de femmes à l'époque avaient des enfants et n'étaient pas mariées.
A la tête d'une famille monoparentale, cette dernière devait alors conjuguer l'éducation de ses enfants à un emploi souvent mal payé, à peine suffisant pour satisfaire les besoins primaires des siens. Dans ce cas là, les enfants abandonnaient les études plus tôt dans le cursus pour aider leur mère. Ces femmes étaient mal vues de la population qui les percevaient comme les amantes d'un homme marié volage.
La différence entre une famille où les deux parents sont présents et mariés et les familles monoparentales était forte que ce soit dans l'éducation des enfants, leur cursus scolaire ou le niveau de vie de celle-ci.
La Première Guerre Mondiale : l'implication des femmes martiniquaises
Lors de la Première et la Seconde Guerre Mondiale, les hommes (8 788 hommes ou plus) partis à la guerre, les femmes de tout âge se mobilisent pour aider et participer à l'effort national. Elles se sentaient aussi concernées que les hommes pour ce conflit qui avait lieu en Métropole, à plus de 8 000km de l'île et ont été les premières à proposer des actions solidaires en faveur des victimes de la guerre.
Ainsi le 22 août 1914, quelques jours après l'annonce de la guerre, l'Union des femmes Martiniquaises un comité d'assistance aux blessés voit le jour. Il regroupe des femmes de notables de la colonie. Le but de ce mouvement était de favoriser l'engagement de tous auprès des blessés de guerre. Ainsi, les femmes entreprendront des manifestations de soutien et des collectes de dons (vêtements, rhum, confiseries, argent) aux soldats partis défendre la nation et à leur famille.
C'est avec plaisir que j'apprends le geste généreux des dames de ma chère Martinique, consistant à envoyer en France des vêtements et du rhum aux militaires qui sont sur le front, principalement à ceux qui donnent leur vie et leur jeunesse à la Mère Patrie.
Par exemple, Mademoiselle Didier organise un concert de charité au théâtre municipal destiné à récolter des fonds (3 100 francs de recette) pour aider les aveugles de la guerre.
Les jeunes filles du Pensionnat Colonial confectionnent deux caisses d'ouvrages en laine qu'elles envoient l'une à l’Œuvre du Tricot du Soldat à l'Hôtel de Ville de Paris et l'autre au Préfet du Loiret, région où se trouvaient le plus grand nombre de réfugiés. Les fillettes de l'école communale ont remis des sachets qu'elles avaient confectionnés avec des chaussettes et gâteries.
Quelques femmes avaient démontré leur implication et leur solidarité en devenant marraine de guerre. Les marraines de guerre étaient des femmes ou jeunes filles qui entretenaient des correspondances avec des soldats retenus sur le front afin de les soutenir moralement, psychologiquement ou affectivement. C'étaient généralement des soldats qui avaient perdu leur famille ou le contact avec elle. Elles ne faisaient pas qu'envoyer du courrier, elles envoyaient également des colis, des cadeaux ou des photographies. Dans le cas de la Martinique, elles étaient le point de liaison entre les poilus sans famille et la colonie. La correspondance était fréquente. Elles n'avaient ni mari, ni enfant, ni frère dans la guerre et avaient quelques moyens. Plusieurs appels ont été lancés dans les journaux pour le recrutement de ces marraines de guerre.
D'autres proposent carrément de partir sur les fronts de guerre pour apporter leur aide en tant qu'infirmière.
Vie et enjeux de la femme actuelle : de l'après Seconde Guerre Mondiale à nos jours
En à peine 70 ans, la situation de la femme a considérablement changé, la femme passant de « femme de » à l'égale de l'homme. Ainsi les femmes martiniquaises, sous l'impulsion des différentes lois votées à l'Assemblée Nationale à Paris, en faveur de l'émancipation des femmes allaient passer de simples épouses à des femmes totalement libres de leur choix de vie (professionnel, nombre d'enfants, droit sur les enfants, divorce, choix du conjoint, etc...)
Pilier de sa famille et émancipée
Lois d'émancipation des femmes
L'après Seconde Guerre Mondiale marque un tournant dans l'histoire des femmes françaises. De nombreux mouvements féministes internationaux et nationaux réclament plus de libertés pour les femmes et une égalité de statut entre l'homme et la femme. Ils allaient être entendus avec plusieurs lois votées en ce sens.
Récapitulatif des lois d'émancipation votées dans l'après guerre :
- Fin de l'incapacité civile en 1938 (le code Napoléon imposait aux femmes le droit d'obéissance à leur mari, les femmes peuvent désormais avoir une carte d'identité et un passeport),
- Autorisation d'exercer un commerce sans l'autorisation de son mari en 1942,
- Droit de vote en 1944,
- Contraception autorisée en 1967,
- Autorité parentale partagée entre le père et la mère en 1970,
- Égalité de salaire entre hommes et femmes en 1972,
- Recours à l'Interruption Volontaire de Grossesse en 1975,
- Interdiction de licenciement des femmes enceintes en 1980,
- Autorisation pour la femme de donner son nom de famille à son enfant en plus du nom du père en 1985,
- Loi pour le mariage homosexuel en 2013.
Attention cependant, ces lois bien que votées n'ont pas eu d'effet immédiat en Martinique. La Martinique reste une terre très chrétienne et attachée aux préceptes des églises catholique, évangélique ou adventiste. D'ailleurs, encore aujourd'hui une frange non négligeable de la population reste fermement opposée à l'avortement ou au mariage homosexuel.
Poto Mitan de la famille
Un mot à connaître quand on vit en Martinique ou qu'on étudie la femme martiniquaise est sans conteste le mot « poto mitan ». Le poto mitan désigne le rôle de pilier dans la famille. Dès la fin de l'esclavage, la femme est considérée comme celle qui a le rôle le plus important au sein de sa famille. En effet, l'esclavage avait avait marqué de son empreinte le rôle de de chaque individu dans la famille.
Ainsi, celui de l'homme était de travailler pour subvenir au « pain quotidien » (notion biblique du Notre-Père fréquemment utilisée) de sa famille alors que la femme était chargée de la préparation des menus, l'entretien de la maison, l'éducation des enfants, l'apport affectif à ses enfants et son mari. Attention cependant, la notion de poto mitan ne doit pas être confondue avec celle de femme au foyer. Une femme qui travaille peut également être le poto mitan de sa famille.
La notion de poto mitan fait référence uniquement à son rôle à la maison qu'elle soit femme au foyer ou salariée. Aujourd'hui encore en Martinique, de nombreuses femmes restent cantonnées au rôle de femme au foyer quand le rôle de l'homme est d'être la principale source de revenu du ménage. La « femme à la maison » n'est pas toujours un choix fait par celle-ci, car 24,71% des femmes de la population sont au chômage et à la recherche d'un emploi à temps plein ou à temps partiel. De plus, en Martinique, en 2014, une famille martiniquaise sur deux est une famille monoparentale avec au moins un enfant de moins de 25 ans dans le ménage. Le plus souvent c'est la mère qui est le chef de famille.
Ainsi, dans les familles monoparentales, la femme n'a pas d'autres choix de combiner son rôle de mère et de salariée. Le nombre important de familles monoparentales est du en grande partie aux divorces, séparations ou décès d'un des deux conjoints. Le parent absent, généralement le père, s'il est encore en vie participe toutefois à l'éducation de ses enfants soit financièrement (versement d'une pension alimentaire), ou encore affectivement (temps accordé à son enfant). Enfin, encore une exception antillaise (comparée à la Métropole), la structure familiale ne se résume pas aux seuls parents. Oncles, tantes, grand-parents participent à l'éducation des enfants et les prennent parfois en charge pour permettre à la mère de ces derniers d'avoir une occupation professionnelle.
Occidentalisation de la femme martiniquaise
L'après Guerre va considérablement marquer un tournant dans le quotidien de la Martiniquaise (culturel, son style vestimentaire, ses icônes, etc...) Premièrement, une véritable politique d'assimilation à la nation française est mise en place au niveau de l'État dès le plus jeune âge. Le jeune martiniquais se voit dispenser des cours d'éducation civique où le patriotisme (apprentissage de la devise française « liberté, égalité, fraternité », la Marseillaise, le respect du drapeau tricolore, etc...) est constamment abordé.
D'un autre côté, l'arrivée de médias de masse (radio, télévision, journaux papier) va encore inciter le Martiniquais à s'inscrire dans ce qui constitue la norme de la culture française. Le français répandu à forte dose (administration, médias) et enseigné aux enfants est favorisé alors que le créole qui était parlé dans les plantations est dévalorisé et dépeint plus comme la langue des « non-instruits ». Il faut dire que la Martinique était en pleine transition entre l'économie des habitations et la tertiarisation. La différence se creuse entre la famille où les enfants parlaient le français « enfants de bonne famille » et celles qui parlaient le créole.
La langue parlée par les enfants était une preuve du niveau de vie de l'ensemble de la famille et du niveau d'instruction des enfants. Jacques Brel, Charles Aznavour, Edith Piaf, Dalida, Sylvie Vartan, Joe Dassin passionnent les Martiniquaises pour qui jusque là, la musique française était inconnue. De la culture dominante française entre 1945 et les années 80, le phénomène de mondialisation avec les États-Unis en pôle position, va lui ravir cette place de choix. Ainsi les icônes féminines cessent d'être françaises pour devenir américaines.
La transition sera lente cependant car la Martinique s'appropriera à la fois la culture française et celle des États-Unis qui mettaient sur le devant de la scène des stars noires américaines, descendantes d'esclaves comme Tina Turner, Aretha Franklyn, Diana Ross ou Gloria Gaynor. Les familles se déchirent ces deux concepts culturels car d'un côté, la Martinique est française et de l'autre, l'Amérique a une proximité spatiale et historique avec la Martinique malgré ce « défaut » de la barrière de la langue. L'apparition de groupes locaux comme Malavoi, la Perfecta ou encore plus fort, Kassav va être la transition entre les deux.
Des jeunes Martiniquais se lancent dans la musique en s'appropriant pleinement la culture martiniquaise melting-pot d'origines diverses, agrémentée de sonorités caribéennes, américaines, françaises, européennes et africaines. De plus, la langue créole n'est plus perçue comme la langue des « non-instruits » mais comme une langue d'appropriation de sa propre culture et son histoire. Aujourd'hui, la Martinique est un pluriel culturel, les icônes sont à la fois américaines, françaises, caribéennes et bien sûr locales.
Dans ses habitudes vestimentaires, la Martiniquaise abandonnera progressivement les vêtements qu'elles se cousaient elle-même, pour acheter dans les magasins important directement des habits depuis la métropole. Le madras quitte définitivement l'habillement quotidien martiniquais pour être remplacé par des robes, jupes, chemisiers, et autres portées par les européennes.
A l'image de la culture, la mondialisation aura raison du dressing des Martiniquaises qui s'occidentaliseront avec le tailleur pour aller travailler. Attention par contre, le climat ne permet pas aux femmes martiniquaises de se passionner pour les podiums des défilés de mode présentant la collection automne-hiver. Seules les tenues d'été des pays occidentaux arrivent sur le port de Fort-de-France.
Le costume traditionnel porté fièrement au début du 20ème siècle est désormais perçu que comme un outil de promotion touristique. Aussi ne soyez pas choqué de ne le voir qu'à votre arrivée à l'aéroport dans le cadre de promotions touristiques en Juillet-Août ou sur le quai des croisières. Il est toujours présent au carnaval de Fort-de-France revêtu par les femmes séniors et Reines-Mères.
De nombreux combats restent à mener
Aujourd'hui encore en 2015, la situation de la femme martiniquaise n'est pas égale à celle à celle de l'homme. Si en 70 ans, de nombreuses avancées ont aidé à l'émancipation des femmes, il n'en reste pas moins que la situation de la femme reste encore à de nombreux niveaux inférieure à celle de l'homme.
Quelques chiffres sur les femmes dans la population martiniquaise et la population active
En 2019, la Martinique comptait 166 515 hommes, contre 196 969 femmes. Elles représenteraient ainsi 54,2% de la population martiniquaise (chiffres de 2019, Insee) ceci est du en grande partie à l'augmentation de l'espérance de vie et au fait que les femmes vivent plus longtemps que les hommes.
La répartition hommes-femmes est relativement équitable au sein des classes d’âges allant de 0 à 24 ans, mais à partir de 25 ans, la proportion de femmes s’avère nettement supérieure à celle des hommes, en particulier entre 30 et 54 ans, et à partir de 75 ans. Elles sont également majoritaires dans la population active (53% sont des femmes contre 47% d'hommes chiffres 2019 de l'Insee).
Le taux de fécondité des femmes a chuté passant de 5,47 enfants par femme après la Seconde Guerre Mondiale (1952, début de l'étude de la population des départements français avec la prise de statistiques stockés dans des ordinateurs) à 1,94 (chiffres Insee 2019) enfant de nos jours. La moyenne martiniquaise est donc quasiment similaire à la moyenne nationale (1,88 enfant par femme en 2019). La baisse du nombre d'enfants par femme peut s'expliquer par la contraception plus efficace qu'il y a 70 ans, le travail des femmes et le fait que les femmes font de plus en plus d'études supérieures, reculant ainsi l'âge de la première grossesse (29,2 ans en 2006 (chiffres Insee) contre 26,7 ans en 1946).
Si dans la période d'après Guerre, la/les grossesse(s) marquaient l'arrêt de l'activité professionnelle des femmes, aujourd'hui il n'y pas de réels impacts sur ce critère. La politique familiale mise en place au niveau national (lois interdisant le licenciement d'une femme enceinte en 1980, congé de maternité en 1970, prestations sociales familiales, « politique du 3ème enfant » : forte augmentation des prestations sociales après le troisième enfant) a favorisé l'emploi des femmes qui ont continué à avoir un emploi après leur(s) grossesse(s).
L'espérance de vie de la femme est supérieure à celle de l'homme 84,7 ans (85,6 moyenne nationale) contre 78,6 ans (79,7 moyenne nationale). A noter que la population martiniquaise est vieillissante car de nombreux retraités originaires de la Martinique reviennent de métropole ou des retraités métropolitains (héliotropisme) tandis qu'une part importante de jeunes quittent l'île pour la métropole (BUMIDOM 1963 à 1981 puis années 2000 à aujourd'hui) ou d'autres destinations (Canada, États-Unis, Europe hors France) face au manque d'emploi du aux spécificités économiques de l'île et/ou à l'absence de certaines filières étudiantes localement. Ainsi, si 36% des Martiniquaises avaient moins de 15 ans en 1974, elles ne sont plus que 19% du total en 2007 (chiffres Insee) quand le nombre de femmes de plus de 65 ans sur la même période a triplé !
Cette expatriation des jeunes n'est pas temporaire car peu reviennent en Martinique une fois leur diplôme obtenu. Ce phénomène fait que la population martiniquaise régresse d'années en années perdant près de 4000 habitants chaque année depuis 2010 (chiffres du recensement).
Une inégalité dans les études supérieures et les salaires
Bien que plus présentes sur les bancs des universités et diplômée d'études supérieures, les femmes restent cantonnées à des postes peu prestigieux au regard de leur niveau scolaire. Ainsi 66% des femmes martiniquaises de 25 à 34 ans (chiffres de l'Insee de 2012) sont titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme d'études supérieures (ndlr 1 femme sur 10 en 1974) contre 55% des hommes qui optent le plus fréquemment pour des filières professionnelles, des chiffres similaires à la moyenne nationale.
Après le Baccalauréat, les femmes optent généralement pour des études plus générales (sciences humaines, littérature, langues étrangères, économie, droit) que pour des filières techniques (hormis l'hôtellerie, restauration, tourisme, communication, petite enfance, infirmerie) ou scientifiques (mathématiques, sciences biologiques et physiques). Les filières rappelant les « métiers des hommes » (automobile, mécanique, froid et climatisation, etc...) sont peu prisées.
Malgré cet écart entre part de diplômées et diplômés, les plus hauts revenus de la famille restent ceux des hommes. Ils occupent les postes les plus élevés au sein des entreprises (managers, directeurs d'entreprise, cadres supérieurs, chefs d'entreprise). Pour un même emploi, les femmes martiniquaises perçoivent 2 400 euros de salaire annuels en moins que les hommes. Chez les cadres, la différence est de 9 000 euros annuels par rapport à leurs collègues masculins. Pire, elles représentent 56% de la population au chômage contre 44 % chez les hommes (chiffres du chômage Janvier 2015).
Une sous-représentation économique et politique
Avec un secteur tertiaire dominant l'économie locale (74% de l'emploi des femmes), les femmes restent encore cantonnées aux postes les moins élevés dans la hiérarchie (employées administratives, caissières, vendeuses) ou des postes rappelant leur rôle de mère ou de femme (restauration, hôtellerie, éducation, personnel médical (infirmerie, aides soignantes, sages-femmes)). Moins d'un tiers des entreprises de la Martinique sont dirigées par des femmes (30% moyenne nationale mais faible comparé aux autres puissances économiques mondiales) et elles doivent encore faire face à de nombreux clichés. L'homme est fait pour diriger, pour être chef alors que la femme est faite pour aider, assister et apporter son affection.
Dans la sphère politique, l'écart est encore plus grand. Josette Manin était Présidente du Conseil Général (voir ci-dessous) avant la mise en place de la Collectivité unique mais depuis aucune femme n'occupe un poste aussi prestigieux localement. Sur 34 communes que compte la Martinique, seules trois communes sont dirigées par une femme, Jenny Dulys à Morne-Rouge (voir ci-dessous) et Marie-Thérèse Casimirius à Basse-Pointe et Aurélie Nella à Ducos (photo ci-contre), les femmes occupent des postes de conseillères municipales et sont même majoritaires (51% des conseillers régionaux), la loi obligeant une parité sur tous les scrutins de listes.
Concernant les mandats nationaux, les choses ont bien changés récemment ! Deux femmes martiniquaises sont désormais députées, Josette Manin (voir ci-dessous), ancienne Présidente du Conseil Général de Martinique et Manuéla Kéclard-Mondésir. Catherine Conconne est pour sa part la première femme Sénatrice de la Martinique ! Les récentes années ont marqué un vrai progrès pour les femmes dans la politique, une tendance qui ne s'observe pas au niveau national. En effet, les moyennes nationales ne sont pas transcendantes quand on regarde les autres puissances économiques mondiales.
Quelques femmes ayant marqué l'histoire de la Martinique
Vie militante au service du combat féministe ou la Résistance Française
Jane Lero (1916-1971) : Militante, Fondatrice de l'Union des Femmes de la Martinique
Jane Apolinaire Léro naît le 8 février 1916, lors de la première guerre mondiale, dans une famille de petits commerçants lamentinois. Cinquième d’une famille de 8 enfants, elle rejoint en 1926 à l’âge de 10 ans le Pensionnat Colonial de jeunes filles à Fort-de-France où elle sera douée pour les matières scientifiques.
Douze ans plus tard, elle décroche le prix d'honneur en mathématiques et en sciences. Elle vit comme une injustice qui frappe la femme le fait que ses deux frères ait pu faire des études universitaires et pas elle.
Âgée alors de 26 ans, le 11 juin 1944, Jane Léro se trouve à la tête d’un groupe de femmes de sensibilité communiste, appelant à la création de l’Union des Femmes de la Martinique. L'Union des Femmes de la Martinique est une association militante et féministe qui défend la cause des femmes localement. On la retrouve dans des actions de soutien des femmes face aux difficultés qu'elles affrontent au quotidien (violence conjugales, difficultés rencontrées dans le milieu professionnel, précarisation) mais aussi pour mettre en lumière la situation des femmes martiniquaises, moins bien loties que les hommes. Elle sera la présidente de l'Union des Femmes de la Martinique jusqu’à son départ en France métropolitaine en 1949, pour poursuivre ses études d'assistante sociale. Elle crée les comités de l’Ermitage et des Terres-Sainville.
Elle meurt tragiquement le 17 Juillet 1961. Battante, inlassable combattante, déterminée, passionnée, Jane Léro ira jusqu’au bout de ses convictions.
Manon Tardon (1913-1989) : figure de la Résistance intérieure française et de la France libre
Yvonne Renée Manon Tardon naît le 17 août 1913 à Fort-de-France, dans une famille de 5 enfants (trois garçons et deux filles) où elle sera la 3ème. Ses parents sont Asthon Tardon (1882-1944) et Berthe Marie Waddy (1887-1961) et étaient des propriétaires terriens de plus de 700 hectares. Son père a été Maire du Prêcheur et conseiller général. Son frère Raphaël Tardon a été grand poète et écrivain. Belle et intelligente, Manon Tardon était adorée de son père. Au lieu de suivre des cours à l'école publique, elle a un précepteur à domicile, chose qui était réservée à l'aristocratie à l'époque. Plus tard, elle revient à Fort-de-France où elle sera inscrite au pensionnat colonial. Surdouée, elle réussit son baccalauréat dès l'âge de 15 ans !
Elle part pour Paris où elle s'inscrit à la Sorbonne et sera amie du futur Président de la République, Georges Pompidou. Elle obtient une licence d'histoire et de géographie et deux certificats supérieurs (Histoire moderne et contemporaine et un autre en Histoire du Moyen-Âge). Elle rencontre durant ses études son futur mari Jack Sainte-Luce Banchelin, fils du censeur au vieux lycée Schœlcher. Il est avocat au barreau de Paris et sera pendant la guerre commandant de parachutistes. De leur mariage naîtront une fille, morte en bas âge, et plus tard un fils, Pierre, né en 1942. Alors que la France est en guerre, elle s'engage dans l'armée et suit l'École des cadres du Général Delattre de Tassigny.
Elle est spécialiste Arme Féminine de l'Armée de Terre, d'abord au grade d'aspirant, puis officier et lieutenant. Elle participe aux différents réseaux de résistance de la France Libre, elle est réfugiée à Châteaudun en Eure-et-Loir, où elle se trouve au moment du débarquement des armées anglo-américaines en Normandie de 1944, elle accueille, le 19 août 1944, les troupes du Général Bradley en route sur Paris qui suivirent celles du Général Leclerc de la 2e DB pour la libération de Paris.
Dans l'armée, elle sympathise avec une autre martiniquaise créole, Simone Beuzelin. C'est ainsi qu'elle vit, dans l'activité la grande période de Résistance. Elle fera la campagne d'Alsace et de Vercors et recevra la croix de guerre avec palme vermeil pour son action menée pendant la guerre. Le 8 mai 1945, elle fait partie de la délégation dirigée par le général de Lattre de Tassigny, pour recevoir l'acte de capitulation de l'Allemagne nazie. Elle y était présente en sa qualité d'officier spécialiste d'état-major de 1ère catégorie, c'était certainement une des seules femmes présentes lors de cet évènement historique.
En 1945, elle rentre à la Martinique en permission de 6 mois, pour régler des affaires familiales urgentes. Ensuite, elle est démobilisée sur place le 23 juin 1946. Après avoir été démobilisée en 1946, de retour à la Martinique, sans doute pour rester dans le mouvement, Manon apprit à piloter. Elle livrera ensuite pendant une quinzaine d'années une longue et incessante bataille pour récupérer le domaine familial de l'Anse Couleuvre au Prêcheur, le patrimoine héréditaire, qui était occupé par un locataire des plus coriaces.
Elle obtint gain de cause et put reprendre définitivement possession de tous ses biens familiaux. Elle meurt brutalement le 23 décembre 1989 à 76 ans à Fort-de-France suite à une chute faite dans l'escalier de sa maison ancestrale. Elle aura l'honneur d'obsèques officielles avec une délégation militaire et son cercueil paré du drapeau français, symbole de son engagement pour la République. Son vœu le plus cher sera réalisé, mourir dans son île natale et son domaine récupéré qu'elle chérissait plus que tout.
George Arnauld (Née en 1953) : Militante, Ancienne Présidente de l'Union des Femmes de la Martinique
George Arnauld naît en 1953 sur l'Habitation de canne à sucre, l'Espérance au François qui appartenait à la famille Hayot (Groupe commercial possédant des plantations, des centres commerciaux, grands magasins, concessions automobile, etc...) et y restera jusqu'à ses 15 ans, son père étant géreur de l'Habitation. Elle grandit au milieu des planteurs, coupeurs de canne et amarreuses qui vivaient dans les « cases-nègres ». Sa mère tenait une boutique sur la plantation et s'occupait des cahiers. C'était le lieu où les travailleurs venaient acheter de la nourriture.
Elle juge que son enfance aura été heureuse mais également dure quand elle voyait les faibles salaires des planteurs et coupeurs de canne reçus des mains de son père, le géreur, qui était armé d'un coutelas et un fusil pour l'occasion, la souffrance des femmes amarreuses qui subissaient le « droit de cuissage de la part des commandeurs ». Elle est touchée par les dures conditions de vie, la souffrance et la misère qui frappaient le personnel et prend à cœur leur situation sociale.
Elle assiste et est témoin de plusieurs grandes grèves et mouvements sociaux liés aux conditions des ouvriers de la canne à sucre notamment la crise de 1963 alors qu'elle n'avait que 10 ans. Son père refusait systématiquement le moindre mouvement social dans son habitation quitte à faire l'usage de ses armes. De plus, il avait plusieurs maîtresses sur la plantation dont sont nés plusieurs enfants.
Elle ne supporte pas non plus les caractères « hautains et arrogants » des Békés et se jugera même « raciste » jusqu'à ce qu'elle intègre la Quatrième Internationale et au Mouvement Internationaliste alors qu'elle était étudiante. En 1990, elle adhère à l'Union des Femmes Martiniquaises au cours d'une mission qu'elle a eu à l'Éducation Nationale en tant que Chargée de mission à l'éducation des jeunes filles.
Sollicitée par Solange Fitte-Duval alors Présidente de l'Union des Femmes Martiniquaises, elle voit là l'occasion d'apporter sa conviction féministe dans une association qui structurait ces idées au niveau politique. Elle devient Présidente de l'Union des Femmes de la Martinique en 1997 lors d'un congrès. Elle est restée à la tête de l'association jusqu'en 2009 où Rita Bonheur lui a succédé. Durant son mandat, elle a participé à de nombreux mouvements pour dénoncer le faible rôle voire l'absence totale des femmes aux plus hauts postes hiérarchiques et dans les plus grandes instances politiques, les inégalités salariales entre hommes et femmes, le sort des femmes battues et/ou tuées par leur compagnon.
Bien que plus Présidente, aujourd'hui, elle mène encore ce combat aussi bien pour restituer l'histoire des femmes martiniquaises qui ont intégré les luttes féministes et sociales en Martinique que pour les femmes actuelles encore victimes d'injustice ou d'inégalité face à l'emploi.
Elle est également Directrice du Centre d'Information et d'Orientation, membre et militante du Groupe Révolution Socialiste. Elle est mariée avec Gilbert Pago, historien et écrivain martiniquais.
En parlant de militantisme féministe en Martinique, on aurait pu citer également Solange Fitte-Duval, membre du Parti Communiste et Présidente de l'Union des Femmes de la Martinique de 1975 à 1993, Maïotte Dauphite fondatrice du Musée Paul Gauguin, Yvette Ebion, Présidente de l'Union des Femmes de 1993 à 1997, Geneviève Marie-Angélique ou Renée de Montaigne.
Écrivains et femmes politiques martiniquaises
Paulette Nardal (1896-1985) : femme politique et militante féministe
Paulette Nardal, naît à Saint-Pierre (Martinique) en 1896 dans une famille bourgeoise. Elle est la fille de Paul Nardal, un des premiers ingénieurs noirs de l'île et l'aînée d'une famille de 8 filles. Elle est âgée de 6 ans lors de l'éruption de la Montagne Pelée. Elle devient institutrice avant de décider de partir à Paris pour poursuivre ses études alors âgée de 24 ans.
Elle arrive à Paris en 1920 est s'inscrit à l'Université de la Sorbonne pour y faire des études d'anglais. Elle devient ainsi la première femme noire à étudier dans cette institution française. Elle profite de son installation à Paris pour s'intéresser à la vie culturelle de la capitale. Elle va au théâtre, assiste à des concerts, visite des expositions et musées. Elle fréquente le Bal Nègre, un célèbre ancien cabaret dansant antillais et club de jazz de Paris datant de 1800, un des rares endroits où elle retrouve ses repères culturels.
Elle reçoit chez elle à Clamart différents jeunes antillais ou de la diaspora noire pour les aider et les mettre en contact. Parmi eux, on peut citer le jeune Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, René Maran, Jean Price Mars, Claude Mc Kay ou Langston Hughes.
Elle y tient un salon littéraire où elle commence à défendre l'idée d'une émancipation des femmes et le concept de la « Négritude », un mouvement littéraire afro-français. Avec l'écrivain haïtien Léo Sajous, elle fonde la Revue du Monde Noir qui ne paraîtra que pour 6 numéros faute de moyens.
En 1937, elle rend visite à son ami Léopold Sedhar Sengor au Sénégal. Elle entre en politique, Paulette Nardal en étant l’assistante parlementaire du Député de la Martinique Joseph Lagrosillière, et du député du Sénégal Galandou Diouf. Elle s'engage contre l'envahissement de Mussolini en Éthiopie.
En 1939, elle échappe de peu à la noyade grâce à une chaloupe de sauvetage, le bateau qui la ramène de la Martinique ayant été touché par une sous-marin allemand au large de l’Angleterre. Elle aura cependant d'importantes séquelles dont de graves infirmités. Elle continuera cependant de militer notamment pour le droit des femmes au vote. Son infirmité la privera d'un poste aux Nations-Unis à New-York et elle rentrera en Martinique définitivement en 1945.
Elle crée le Rassemblement féminin et encouragera les femmes à aller voter en avril 1945 et à s'engager en politique.
Passionnée de musique, elle rédige un historique de la tradition musicale des campagnes martiniquaises (bèlè, le béliya, le bouwo, le ladjia). Paulette Nardal meurt le 16 février 1985, à l’âge de 89 ans.
Elle est la tante de Christiane Eda-Pierre, est une artiste lyrique de renommée mondiale.
Jenny Dulys-Petit : Seule femme maire en Martinique
Jenny Dulys naît en 1953. Passionnée de chorale, elle intègre la chorale de Notre Dame de la Délivrance à l'âge de 12 ans. En 1974, elle est nommée chef de chœur. Elle a également été présidente de l’Auberge de Jeunesse, première de tous les Département d'Outre Mer à l'époque et secrétaire de la Maison familiale rurale, première de la Martinique. Elle est depuis 1992, la Directrice de l’école primaire Notre Dame de la Délivrance, au Morne-Rouge.
Elle est élue sur la liste menée par Pierre Petit comme 7ème ajointe au Maire du Morne-Rouge en 1983. Quand il est réélu six ans plus tard, il la nomme Première adjointe. Elle a été également élue comme Conseillère Régionale en 1992 et Conseillère générale en 1993. Elle est également membre de « Osons oser » et de l’Union pour la Majorité Présidentielle.
Le 9 mars 2008, Jenny Dulys est soutenue par Pierre Petit, l'ancien maire qui a décidé de passer le flambeau aux municipales à sa première adjointe. Elle est élue Maire du Morne-Rouge dès le premier tour avec 1 760 voix soit 62,54% des suffrages recueillis. Elle a été réélue en 2014 et 2020. Elle est actuellement l'une des 3 seules femmes Maires de Martinique sur 34 communes !
Le samedi 10 janvier 2009, Jenny Dulys épouse l'ancien Maire du Morne-Rouge, Pierre Petit âgé de 79 ans. Elle a été faite Chevalier de la légion d'Honneur en août 2013. Selon elle, sa vie peut se résumer à son engagement chrétien, social, associatif et politique.
Josette Manin : Première femme député de la Martinique à l'Assemblée Nationale
Josette Manin naît en 1950 au Lamentin. C'est une femme politique martiniquaise. Elle est cadre de banque à la retraite. Elle est membre de « Bâtir le pays Martinique », un parti de la gauche martiniquaise fondé en 1998 par Pierre Samot, maire du Lamentin.
En 1983, elle adhère au Parti communiste martiniquais et devient militante communiste auprès de Georges Gratiant, une grande figure de la vie politique martiniquaise. C'est la même année que Josette Manin débute vraiment sa carrière politique lors des élections municipales de 1983. En effet, elle est élue pour la première fois, conseillère municipale sur la liste du maire, Georges Gratiant.
En 1995, elle figurait sur la liste « Lamentin Horizon 2001 - développement, solidarité, justice » du maire sortant, Pierre Samot. Josette Manin avait été réélue conseillère municipale. Aux municipales de 2001, elle est de nouveau réélue conseillère municipale et devient cette fois-ci adjointe au maire. Lors des élections municipales de mars 2008, Josette Manin figure en position éligible sur la liste intitulée « Le Lamentin passionnément » du maire sortant, Pierre Samot. Elle est élue 2ème adjointe au maire du Lamentin à l'issue du scrutin.
Aux élections cantonales de 2001, elle est élue pour la première fois conseillère générale du canton du Lamentin-3-Est. Elle est réélue lors des cantonales de 2008.
En 1998, Josette Manin quitte le Parti communiste martiniquais et adhère à Bâtir le pays Martinique de Pierre Samot suite à la scission avec le Parti Communiste Martiniquais. Josette Manin est choisie en mars 2011 pour être la candidate à la présidence du groupe de l'opposition intitulé « Ensemble, pour une Martinique nouvelle », composé des élus du Parti Progressiste Martiniquais, de Bâtir le pays Martinique, du Mouvement Populaire Franciscain, de la Fédération Socialiste de la Martinique, du Mouvement « Vivre à Schoelcher » et de Osons oser.
Elle est élue le 31 mars 2011, au 3e tour, Présidente du Conseil général de la Martinique par 23 voix contre 22 à Alfred Sinosa, candidat du groupe du président sortant Claude Lise. Elle est la seconde femme à présider un conseil général dans les Antilles, l'une des cinq présidentes en France en 2011 et enfin la onzième de l'histoire. Elle est également membre du conseil communautaire de la Communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM).
Elle a été la dernière Présidente du Conseil étant donné que la Martinique a été dotée d'une Collectivité Unique (fusion du Conseil Général et Régional) en décembre 2015. En 2017, elle est devenue la première femme élue députée de la Martinique. Elle a siégé à l'Assemblée Nationale jusqu'en 2022.
Vie culturelle
Léona Gabriel
Léona Gabriel naît en 1891 à Rivière-Pilote en Martinique. Fille d'une famille aisée, Léona est bercée par les chants des travailleurs de la plantation de son père, un blanc créole, qu'ils lançaient pour se donner du courage au labeur.
A 10 ans, elle perd son père, qui meurt accidentellement lors d'une partie de pêche. Sa mère décède de chagrin et de maladie quelques temps plus tard.
A 14 ans, la jeune Léona embarque pour la Guyane avec sa tante et ses frères et sœurs, où elle passera toute son enfance. Devenue jeune femme, elle occupe un poste de secrétaire au Panama, avant de regagner la Martinique. De retour sur son île, elle séduit par sa voix et son charme le public martiniquais. Elle chante sa Martinique, celle de Saint-Pierre qui renaît de ses cendres après l'éruption volcanique de 1902.
Léona compose également de nouvelles biguines et mazurkas, qui deviendront de grands classiques du répertoire traditionnel martiniquais : « vini wè kouli-a », « maladie d'amour », chanson reprise par son neveu Henri Salvador quelques années plus tard.
Léona Gabriel part pour Paris vers 1920. Elle y rencontre son futur mari, Dany Derff, un talentueux musicien russe qui arrange les mélodies qu'elle compose, et qui prend en main sa carrière. Léona Gabriel fréquente le milieu artistique parisien, et côtoie Edith Piaf, Henri Liméry, etc. Séparée quelques années plus tard, elle se rapproche des musiciens antillais, et devient la chanteuse attitrée de l'orchestre de Stellio, avec qui elle parcourt la France. Elle se remarie en 1935 avec M. Soïme, un médecin militaire, qu'elle suit en mission au Sénégal durant 2 ans. La guerre l'oblige à marquer une trêve dans sa carrière de chanteuse. En 1948, Léona repart en Martinique.
Très sollicitée, elle donne de nombreux récitals en Martinique et en Guadeloupe, anime l'émission de radio « Ça c'est la Martinique » aux côtés de grands musiciens tels que le tromboniste Archange St-Hilaire ou Hurard Coppet. En 1966, elle édite sous le même intitulé un recueil de chansons créoles qui regroupe les œuvres principales du folklore martiniquais d'avant 1902, date de destruction de Saint-Pierre. Léona Gabriel a enregistré de nombreux disques aux côtés de grands musiciens de son époque : Stellio, Hurard Coppet, Archange St-Hilaire, etc.
Elle meurt en 1971, en laissant des chansons créoles devenues de grands classiques.
Marijosé Alie : femme de médias
Marijosé Alie naît en 1951 à Paris d’un père architecte et d’une mère musicienne. Elle passe son enfance au Diamant dans le sud de la Martinique chez sa grand-mère d'abord puis avec sa mère, une professeur de piano. Dès l’âge de six ans, elle se passionne pour cet instrument. Elle apprécie également la lecture et l'écriture. De là lui vient sa vocation pour le journalisme qu’elle considère, à l’âge de 16 ans, comme l’expression la plus achevée de la démocratie. Sitôt son baccalauréat en poche, elle traverse l'Atlantique pour poursuivre ses études à Paris. Marijosé Alie s’inscrit dans une école de journalisme.
En même temps, cette amoureuse de lecture étudie les lettres et la sociologie à la Sorbonne. Parallèlement à ses études elle intègre, la même année, un groupe qui joue dans le métro. Groupe avec lequel, s’inspirant parfois de faits réels, elle écrit et compose beaucoup de chansons. Marijosé Alie est diplômée de l’École supérieure de journalisme de Paris en 1974.
Après avoir obtenu son diplôme, elle projette de créer un hebdomadaire couvrant l’actualité de la Caraïbe. Mais dès son retour en Martinique, la télévision fait appel à elle. Elle intègre alors l’Office de Radiodiffusion et Télévision Française (O.R.T.F).
Elle commence d’abord en radio avant de présenter, quelques mois plus tard, le journal télévisé régional. En 1977, elle est mutée en Bourgogne. Elle va y rester trois ans. C’est durant son séjour en Bourgogne qu'elle compose la chanson « Caressé mwen » qui sera enregistrée en 1983 par le groupe Malavoi. Il connaîtra un véritable succès populaire au niveau national et international. Elle occupera successivement des postes prestigieux en Martinique et à Paris devenant notamment la première femme Directrice régionale en Martinique ou en réalisant deux films sur Aimé Césaire.
Soucieuse de promouvoir les artistes de la France d’Outre-mer et la diversité ethno et socio-culturelle, Marijosé Alie, conçoit et lance, en 2005 le « Dom Tom Folies », pour les artistes des 9 départements et territoires d’outremer et « France Ô Folies » pour les minorités présentes dans les banlieues. Elle a également présenté « Studio M » puis « A Nous Deux » depuis la rentrée 2011.
Depuis l’entrée de Radio France Outremer (devenue la 1ère) dans le Groupe France Télévision, Marijosé Alie est Directrice Déléguée aux Programmes Chargée de la Diversité, pour toutes les chaînes du groupe France télévision. Marijosé Alie-Monthieux est Chevalier de l’Ordre National du Mérite.
Jocelyne Béroard : ambassadrice de la culture créole
Jocelyne Béroard voit le jour le 12 septembre 1954 à Fort-de-France. Après l'obtention de son bac D à 17 ans, elle part s'installer en métropole où elle poursuit ses études à Caen (pharmacie) puis intègre les Beaux-Arts à Paris. Grâce à son frère, elle intègre le milieu musical antillais à Paris.
En 1980, devenue choriste professionnelle, Jocelyne Béroard part quelques semaines en Jamaïque où elle enregistre plusieurs morceaux avec Lee « Scratch » Perry et Thirld World. Elle enregistre également en France avec le groupe disco Gibson Brothers.
1980 est décidément une année charnière pour elle, c'est en effet cette année là qu'elle fait ses premiers pas avec Kassav' en participant aux chœurs du deuxième album du groupe. Elle enregistre sur cet album la chanson « Soley ». Elle continue sa carrière de choriste où elle intervient pour Bernard Lavilliers, Manu Dibango, Zachary Richard ou Herbert Leonard.
Jocelyne Béroard intègre définitivement Kassav' en 1983. Dès lors, Jocelyne Béroard prend de plus en plus d'importance dans Kassav' où elle finit par en devenir la chanteuse principal du groupe.
En 1986, son album « Siwo » et le single « Kolé séré » chanté en duo avec Jean-Claude Naimro sont double disque d'or. Elle devient la première chanteuse caribéenne de l'histoire à obtenir un disque d'or en France. En 1988, Philippe Lavil l'invite pour une reprise en duo du tube « Kolé séré » de Kassav'.
En 1991, paraît un deuxième album intitulé « Milan » avec des titres comme « Jilo Mayé » ou « Milan ». Cet album rencontre un succès mitigé, dissuadant la chanteuse de faire un nouvel album solo pendant plus de dix ans.
En 1997, elle enregistre la chanson « Lonbraj An Pyé Mango » avec Chris Combette. Cette chanson sera consacrée tube des vacances dans la Caraïbe. En 1999, elle a été faite au grade de Chevalier de la Légion d'honneur. En mars 2001, elle est l'une des nombreuses interprètes du titre « Que serais-je demain » en tant que membre du collectif féminin « Les Voix de l'espoir » créé par Princess Erika.
En 2003, elle enregistre l'album « Madousinay » avec ses amis de Kassav. Parallèlement à la chanson, on a pu la voir dans le film « Nèg Maron » avec notamment le chanteur guadeloupéen Admiral T.
Le 16 mai 2009, elle participe au concert des « 30 ans de Kassav », le plus grand concert de zouk jamais organisé en France métropolitaine devant plus de 65 000 personnes. Le 22 mai 2011, elle fait un triomphe à l'Olympia en solo quelques jours après la parution de son double album «Yen Ki Lanmou ».
En 2012, elle participe au film « Le Gang des Antillais ». Un an plus tard, le groupe Kassav sort son 15ème album, « Sonjé » avec notamment un hommage à Patrick Saint-Éloi, un des membres du groupe décédé quelques années plus tôt. Nous aurions aussi pu présenter Jenny Alpha ancienne doyenne des acteurs français ou la productrice Euzhan Palcy, Gertrude Seinin chanteuse de musique traditionnelle martiniquaise, Princess Lover, chanteuse de zouk actuelle, Danielle René-Corail entre autres.
Conclusion
Durant toute cette étude sur l'histoire de la femme en Martinique des Arawaks aux créoles actuelles, le terme de « poto mitan » trouve toute sa justification dans le rôle central joué par la gente féminine. De la récolte à la cuisine du manioc, culture nourricière principale chez les Arawaks et les Caraïbes, en passant par la récolte des jardins lors de la colonisation et l'esclavage, l'enseignement religieux des petits Blancs, leur travail sur les plantations de canne à sucre des Koulies aux femmes créoles du 20ème siècle, la femme est présente au moment crucial de la société à laquelle, elle a appartenu.
Nous avons pu voir l'importance sociale (éducation des enfants, soutien à son mari, participation aux luttes sociales), économique (les femmes au travail), culturelle (transmission des valeurs, de l'enseignement scolaire et chrétienne) des femmes.
Et que dire des souffrances connues par ces femmes, la polygamie des Arawaks et des Caraïbes (bien qu'il s'agissait des pratiques de l'époque), les esclaves noires battues sur des corps intégralement dévêtus aux yeux de tout l'atelier (le personnel), les viols, humiliations et les grossesses du fruit de ces sévices, la peur de voir leur(s) enfant(s) réduits à l'esclavage, les ventes aux enchères de femmes blanches présentées nues sur une estrade, le dos courbé des amarreuses ou des charbonnières et la mère actuelle qui se bat souvent dans des familles où elle est le seul parent présent au foyer ?
Un seul siècle, le 20ème, verra un pas de géant dans la condition féminine. Les femmes peuvent désormais maîtriser leur contraception, voter et être élues, avoir un salaire équivalent à celui des hommes, prendre des décisions sans nécessiter l'accord de leur époux et donner leur nom à leur(s) enfant(s). Cependant ces grandes avancées ne peuvent pas occulter que la situation actuelle des femmes reste très en deçà de celle des hommes bien qu'elles soient plus diplômées.
Encore aujourd'hui, elles sont sous-représentées politiquement, seules trois femmes, Jenny Dulys-Petit, Aurélie Nella et Marie-Thérese Casimirus occupe respectivement la première fonction à la Mairie du Morne-Rouge, Ducos et Basse-Pointe sur 34 communes. Dans le monde de l'entreprise, elles sont invisibles, cantonnées à des postes secondaires et encore moins bien payés que leurs homologues masculins.
Il n'était pas question de finir ce dossier sans saluer et honorer toutes ces femmes qui ont été des plus grandes luttes pour que la Martinique soit ce qu'elle est aujourd'hui et celles qui continuent ces luttes. Leur rôle prépondérant dans les combats ouvriers, les luttes sociales, la Résistance française, le soutien aux troupes lors des Deux Guerres Mondiales ou encore leur contribution, leur apport et la défense de la culture et du patrimoine créole et martiniquais est trop souvent passé sous silence.
Des associations féministes telles que l'Union des Femmes de la Martinique n'entendent pas relâcher le combat pour que le 21ème siècle soit celui de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Bibliographie :
Histoire de la Martinique : Tome 1 - Des Arawaks à 1848, Armand Nicolas, éditions l'Harmattan,
L'esclavage aux Antilles françaises (XVIIe-XIXe siècle), Antoine Gisler Dans les îles du vent,
la Martinique, XVIIè-XIXè siècle, Liliane Chauleau
Origines de la Martinique: Le colonel François de Collart et la Martinique, Isidore Guët
Les colonies françaises, petite encyclopédie coloniale, Volume 1 Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique: du XVIIe siècle à nos jours, Alain Ph Blérald
Martiniquaises d’hier et d’aujourd’hui : une place grandissante dans la société, Études de l'INSEE
La population de la France: évolutions démographiques depuis 1946, Christophe Bergouignan
La Martinique napoléonienne 1802-1809 - Entre ségrégation, esclavage et intégration, Lionel Trani La Liberté est ou n'est pas.., Gérard Théobald
La France et ses esclaves, Frédéric Regent
Women and Slavery in the French Antilles, 1635-1848, Bernard Moitt
Les femmes au travail à la Martinique (XVII-XX ème siècles), Cécile Celma
Laïcité: enjeux et pratiques : premier Colloque Montaigne, sous la direction de Singaravelou
L'anticléricalisme dans la Caraïbe francophone. Un "article importé" ? 1870-1911, Philippe Delisle
Mon chef est une femme
France-Antilles du 3 décembre 2014
Union des Femmes de Martinique
La femme française
La Population française des départements français d'outre-mer
Vie quotidienne des Arawaks La civilisation Arawak
Population selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe au 1er janvier 2011
Direction Interrégionale Antilles-Guyane>Martiniquaises d’hier et d’aujourd’hui : une place grandissante dans la société Études de l'INSEE
Le nombre de demandeurs d'emploi est en recul
* Attention ! Certaines images utilisées dans cette étude, l'histoire de la femme martiniquaise, ne sont pas des peintures de la Martinique mais des îles voisines de la Caraïbe. Elles sont malgré tout appropriées pour le contexte décrit dans l'étude.