La Martinique et le judaïsme

La Martinique et le judaïsmeL'histoire commune de la Martinique avec les Juifs remonte au tout début de la colonisation. En effet, dès 1654 soit moins de 30 ans après que Pierre-Belain d'Esnambuc s'installe en Martinique dans le but de coloniser l'île, quelques juifs hollandais fuyant le Brésil depuis Recife trouvent refuge dans la partie Nord-Est de la Martinique qui porte le nom de « Petit-Brésil ».

Les Juifs lors de la colonisation

Initiateurs de la pratique de l'esclavage ?

Esclaves travaillant dans un champ de canne à sucreCes nouveaux arrivants venaient dans l'île avec leurs esclaves. Ils allaient introduire en Martinique la culture de la canne de sucre, la technique permettant la cristallisation et le raffinage du sucre (construction des canaux d'irrigation et des moulins à eau et à vent). C'est aussi eux qui seraient à l'origine de la pratique de l'esclavage qu'ils effectuaient auparavant au Brésil.

A l'époque, le trafic d'esclaves était en principe interdit. Sous les règnes de Louis XIII (1610-1643) et Louis XIV (1643-1715), il était interdit d'acheter et de revendre des esclaves mais la Compagnie des Indes Occidentales chargée de gérer la colonisation des îles françaises des Antilles passaient des traités comprenant l'importation de queques centaines d'esclaves en Martinique et en Guadeloupe.

Dans les faits, la pratique de l'esclavage restait également clandestine et illégale jusqu'à ce qu'en 1685, le Code Noir donne un statut aux esclaves venus d'Afrique. Ce même texte dans son article 1er, ordonnait aux Juifs de quitter les Îles Françaises d'Amérique :

Enjoignons à tous nos officiers de chasser hors de nos îles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d'en sortir dans trois mois, à compter du jour de la publication des présentes, à peine de confiscation de corps et de biens.

Ces derniers fuiront l'île pour trouver refuge à Barbade ou alors seront contraints à la conversion au christianisme.

La situation des Juifs en France n'était pas la même que dans les îles. En France, on les retrouvait principalement dans toute sorte de commerces sur tout le territoire mais aussi aux abords des ports de la côte atlantique. Ils avaient contribué à l'importation d'esclaves depuis l'Afrique en Europe puis dans les colonies. Cette première pratique sera condamnée par la société de l'époque et deviendra par la suite marginale, la seconde ne sera tolérée à partir de lettres patentes accordée sous la Régence de Philippe d'Orléans à des armateurs travaillant pour la Compagnie des Indes Occidentales.

Port négrier de BordeauxSuite à cette autorisation le commerce triangulaire est alors développé depuis les grands ports de l'Atlantique où s'étaient installés depuis la fin du 16ème siècle des grandes familles de Juifs dit Portugais, en particulier à Bordeaux où en 1754 des lettres patentes leur accordent un statut et des privilèges. Ainsi, certains d'en eux participent au grand commerce colonial, y compris à la traite des Noirs.

Par exemple, la famille Gradis, une grande famille juive française originaire du Portugal s'était installée à Bordeaux dès le 16ème siècle et avait fondée la Maison Gradis puis la Société Française pour le Commerce avec l'Outre-mer. Cette société était vouée exclusivement au commerce avec l'outre-mer. L'un de ses membres David Gradis (1665-1751) avait notamment fondé à Saint-Pierre dès le début du 18ème siècle une affaire de commerce de vins et spiritueux avec une succursale à Saint-Domingue. Les Gradis possédaient aussi des plantations en Martinique (Basse-Pointe) et à Saint-Domingue et étaient propriétaires de l'île de Gorée sur la côte du Sénégal.