On a souvent tendance à considérer à tort la Martinique comme étant une île de Noirs et de Blancs et du mélange du métissage de l’Afrique et l’Europe. Pourtant la Martinique est bel et bien en partie indienne et nos habitudes et gestes quotidiens sont aussi des preuves actuelles de cet héritage.
Les conditions économiques de l'immigration indienne
Un manque cruel de main-d’œuvre
Petit rappel historique, la Martinique était une terre conquise par les Arawaks, puis les Indiens Caraïbes avant l’arrivée des Européens et la colonisation qui a par la suite pratiqué le commerce triangulaire amenant des esclaves africains à venir travailler dans les champs de café, cacao, canne à sucre. À la fin de l’esclavage, les esclaves ne souhaitent plus travailler pour ceux qui les avaient autrefois réduit à n’être qu’une main d’œuvre servile et désertent les plantations. Ils préféraient exploiter des petits lopins de terre dans les collines plutôt qu’un travail rémunéré pour leurs anciens bourreaux.
Le pouvoir pris des mesures pour contraindre les hommes libres à retourner travailler dans les plantations : « La liberté n'est pas le droit de vagabonder, mais bien celui de travailler pour vous-mêmes [...]. Mes amis, soyez dociles aux ordres de vos maîtres pour montrer que vous savez qu'il n'appartient à tout le monde de commander. » mais sans grande conviction. La commission Schœlcher avait même déclaré : « Les nègres auront des difficultés à comprendre qu’ils puissent être à la fois libres et contrains. La République ne veut pas reprendre d’une main ce qu’elle a donné de l’autre ; dans les colonies comme dans les métropoles, le temps des mensonges est révolu ! »
Cette même commission prévoyait l’indemnisation des victimes de l’esclavage mais le gouvernement français se serait opposé préférant indemniser les maîtres qui avaient perdu gros lors de l’abolition de l’esclavage. Ces derniers se retrouvent devant d’énormes problèmes de travailleurs pour les travaux des champs.
Le choix de l'immigration indienne
Dans un premier temps, les colons se tournèrent encore vers l’Afrique en tentant de faire venir des esclaves noirs Africains qui seraient rachetés et introduits libres dans l'île. Les « Congos » seraient des travailleurs libres à qui était proposé un contrat de travail et une rémunération. Le résultat n’est pas probant malgré 9 090 individus transportés en Martinique, et le recrutement cesse rapidement. De plus, cette immigration rappelait trop les pratiques esclavagistes.
C’est donc vers l’Asie que va se tourner le Gouvernement Français. Ainsi les Chinois en petit nombre (978 individus en provenance de Canton) et les Indiens en grande majorité arrivent comme nouvelle main-d’œuvre immigrante en Martinique. C’est en 1853 que débuta vraiment l’immigration des Indiens vers la Martinique et la Guadeloupe.
Ainsi 25 509 immigrants indiens (42 967 en Guadeloupe) arrivent dans l’île avec un contrat quinquennal (cinq ans), une rémunération contre son travail et la promesse de pouvoir revenir en Inde gratuitement à l’issue de son contrat. 4 541 ont été rapatriés. A noter que les autres îles de la Caraïbe ne sont pas en reste, les Anglais se sont également tournés vers l’Inde à l’abolition dans leurs colonies.
Ils en sont même les initiateurs car l’esclavage a été aboli en 1833 dans les colonies anglaises et l’immigration indienne a débuté dès 1838 alors que les colonies françaises pratiquaient encore l’esclavage. Cette immigration indienne fut très importante à Trinidad et Tobago entre 1838 et 1917.
Organisation de l'immigration et départ d'Inde
Organisation de l'immigration indienne
L'immigration indienne était réglementée. Il y avait deux formes d'immigration, l'une libre effectuée à titre individuel par les planteurs, l'autre massive sous contrôle gouvernemental. C'est la seconde qui prévaut. Le Ministère de la Marine et des Colonies signe avec des armateurs et des compagnies maritimes des traités prévoyant le transport régulier de contingents indiens. Le premier, conclu le 27 mars 1852 pour six ans avec le Capitaine Blanc prévoyait le transport de 4000 Indiens vers les colonies françaises au prix de 500 Francs par migrant. De ce contrat, 1191 Indiens ont été importés en Martinique. Le futur propriétaire devait rembourser le voyage et les 50 francs versés à l'engagé indien avant son départ pour la colonie.
Le 6 Mai 1853, environ 300 engagés arrivent en Martinique dans un bateau qui accoste à la rade de Saint-Pierre. Eux espéraient une vie meilleure, les planteurs et propriétaires d'habitation espéraient une main-d'œuvre bon marché capable de travailler de nombreuses heures avec une rentabilité maxime.
Le 25 avril 1855 est créé à Pondichéry, la Société d’Immigration de l'Inde Française pour organiser le recrutement et l'expédition des Indiens vers les colonies française. Le 1er Juillet 1861, une convention franco-anglaise est signée afin de recruter des engagés dans le nord de l'Inde et de la faire partir depuis le port de Calcutta. Les ports de Pondichéry et Bombay ont aussi été le point de départ de cette immigration vers les Antilles. L'origine des Indiens migrant dans les colonies françaises était diverse. Jusqu'en 1861, ils provenait de la région méridionale de Madras et c'était les Tamouls qui étaient majoritaires. Après, elle fut plus de Calcutta et le nord-ouest de l'Inde.
L'arrivée des Indiens en Martinique s'était négociée plutôt facilement avec le gouvernement Anglo-Indien car la famine sévissait à Madras et dans les districts du Nord de l'Inde. Étant responsables de ces affamés, leur départ réduisait les dépenses qu'il avait à effectuer pour nourrir cette population.
Le Voyage de l'Inde aux Antilles
Les Indiens quittaient leur terre natale sans savoir ce qui les attendaient à leur arrivée dans l'île. Beaucoup pensaient qu'ils ne s'agissait que d'une mission temporaire et qu'ils rentreraient sur leurs terres natales une fois leur contrat fini. Avant leur embarquement, un agent gouvernemental regardait si ils avaient pris leur décision en âme et conscience et que personne n'avait motivé ce départ loin de leurs terres sous la contrainte. Le bateau était surveillé et des vérifications étaient faites afin de tester sa fiabilité sur un voyage qui s'avérait être long.
En effet, deux mois étaient nécessaires pour rallier l'Atlantique et les îles de la Caraïbe. Il fallait donc veiller à avoir suffisamment de nourriture pour la durée du voyage et veiller à ce que chaque personne dispose d'un espace suffisant afin de supporter la traverser confortablement. Les conditions sanitaires étaient également très importantes. Ainsi deux médecins voyageaient à bord (un français et un indien) afin d'intervenir en cas de problème médical.
Trop nombreux sur les navires, les émigrants étaient souvent sujets à toute sorte de maladie (grippe, dysenterie, choléra et autres maladies pulmonaires). Le choléra a notamment fait beaucoup de victimes qui sont morts avant même l'arrivée aux Antilles. Les naufrages aussi faisaient un nombre important de victimes. Ainsi le « Souvenance », affrété le 28 décembre 1870 par le Gouvernement français pour un transport entre Pondichéry et la Martinique et qui a quitté l'Inde le 15 mars de l'année suivante a connu un naufrage dans le Canal du Mozambique entraînant le décès des 371 passagers de l'occupation.
La vie sur les bateaux était différente de celle des bateaux négriers. Les hommes étaient séparés des femmes, les couples mariés avec enfants des couples mariés sans enfant. Des agents gouvernementaux veillaient à la bonne tenue des relations et à l'organisation de la vie sur les bateaux. Ceci n'empêchait pas cependant les révoltes des immigrants, ni les sévices commis par l'équipage. Après deux mois de voyage parfois tumultueux, ils arrivaient en Martinique. Le débarquement avait lieu à Saint-Pierre puis a été déplacé à partir de 1857 à Fort-de-France où un « dépôt des immigrants » est construit à leur intention sur la rive droite, à l’embouchure de la rivière Levassor. Une fois les formalités administratives remplies, les travailleurs sont attribués aux engagistes qui leur devaient logement, nourriture et soins.
Arrivée en Martinique et vie dans les plantations
L'Indien dans la plantation
Une fois arrivés, ils intégraient leur poste de travail généralement dans les plantations du Nord de la Martinique (Basse-Pointe ou Saint-Pierre ville de leur arrivée). Les tâches étaient essentiellement l'entretien des plantations de canne, l'élevage des troupeaux de bovins notamment les taureaux qui tiraient le cabouèt (charrette tirée par deux taureaux) de canne à l'usine. Les Noirs restaient cantonnés aux travaux plus rudes car jugés plus physiques que les Indiens. Les femmes indiennes elles remplaçaient les anciennes esclaves femmes noires, elles assuraient les tâches domestiques chez les planteurs blancs.
A l'instar des anciens esclaves, ils habitaient sur les habitations dans les anciennes cases laissées vides par les anciens esclaves et vivaient dans des conditions hygiéniques inhumaines (9m² pour toute une famille et sans éclairage !). Les travailleurs indiens étaient préférés aux travailleurs noirs descendants d'esclaves par les planteurs car ils travaillaient plus régulièrement, les Noirs ne travaillant que un, deux ou trois jours par semaine alors que les Indiens travaillaient quotidiennement 26 jours par mois comme le stipulait leur contrat. De plus, les travailleurs indiens étaient fidèles au planteur qui les avaient recrutés quand le Noir pouvait changer d'employeur.
Comparés aux Indiens, les Congos étaient plus dociles et fidèles aux patrons. Ces derniers vivaient en communauté sans intégrer la population noire indigène. Le salaire était en moyenne de 12,50 francs mensuels pour les hommes (soit 40 centimes la journée de travail), 10 francs pour les femmes et 5 pour les non-adultes. Une ration de nourriture quotidienne était également « offerte » par l'employeur. Les ouvriers indiens étaient payés avec le « caïdon », une pièce en cuivre de valeur de 50 centimes avec les initiales du planteur.
Cette monnaie leur servait à s'équiper et faire des achats que dans la boutique du planteur présente sur la plantation ou dans les alentours. Au moment de leur paie, leur dette était déduite, restant ainsi lié aux propriétaires et à l'habitation. A la fin de son contrat, l'employé avait droit à une prise en charge de son rapatriement pour lui, sa femme et ses enfants non adultes. Des agents gouvernementaux veillaient au respect du contrat signé afin que l'ouvrier ne soit pas lésé.
La dure vie dans les plantations
Les conditions de travail étaient cependant rudes. Les travailleurs indiens recevaient bien souvent une nourriture insuffisante composée de racines et de féculents, de poisson salé, mais pas de viande, ni d’huile et autres condiments et encore moins de lait. Ils commençaient à travailler le matin, de 4h30 à 12h00 et l’après-midi, de 13h30 à 18h30. A ce rythme, ils n’avaient même pas le temps de préparer le repas de midi. Ces hommes et femmes devaient aller, après le travail, couper de l’herbe et apporter des paquets de fourrage pour les bestiaux de l’habitation. Ils recevaient alors leur ration alimentaire.
Certains employeurs obligeaient leurs recrues à travailler nuit et jour en les payant parfois en retard (2 à 3 mois). Ils travaillaient également les dimanches et jours de fête jusqu'à midi. Les plaignants étaient envoyés en prison. Si ils étaient malades et hospitalisés sur la plantation, ils devaient balayer les alentours du bâtiment, enlever le fumier des écuries. Beaucoup préféraient rompre leur contrat et choisir l'oisiveté. Très tôt, ils optaient pour le « marronnage » (fuite de leur lieu de travail). Marronnés, ils était maltraités et considérés comme de dangereux sauvages.
A l'image des Noirs, ils étaient également victimes de mauvais traitements, accusés de vol et d'assassinat ou pire tués dans des conditions opaques. Par exemple, un journal français La Bataille raconte que le 19 Juillet à Saint-Joseph, un engagé aurait été tué par le planteur qui l'aurait fait incarcérer à l'infirmerie le matin même. Sa femme avec trois autres engagés constatent le décès et font appel à la gendarmerie qui pénètre seule sur les lieux et constate la mort. Les Indiens se rétractent dans leur témoignage, preuve de la pression qu'ils subissaient de la part des planteurs.
Les Indiens n'hésitaient pas à se venger en brûlant la maison des propriétaires. D'autres sombraient dans l'alcool et la folie. A la fin de leur contrat, ils pouvaient soit se ré-engager généralement pour cinq ans chez le même planteur ou un autre planteur, s’engager comme travailleur libre ayant renoncé définitivement à son droit de rapatriement ou l’ayant « réservé », travailler avec un permis de résidence libre sous le régime de droit commun, ou encore être rapatrié. De toute façon, l'économie actuelle basée en grande partie sur le marché de la canne à sucre ne leur permettait pas d'autres voies d'issue. Le travailleur avait le choix entre le travail rude des champs ou la misère.
Le rapatriement ne leur était pas systématiquement proposé, les planteurs usant de leur imposante position face à cette main-d’œuvre soumise et sans réelle opposition. Les employés arrivaient seulement à négocier un meilleur contrat et une augmentation parfois en faisant jouer la concurrence entre planteurs. Ils se ré-engageaient alors pour un nouveau quinquennat. A noter qu'une condamnation en correctionnelle ou criminelle supprimait définitivement le droit au rapatriement. A la fin de l'immigration indienne dans les années 1880, l'omnipotence des planteurs ayant peur de perdre les engagés qui pouvaient exiger leur rapatriement était encore plus forte. Leurs agissements ont beau eu être condamnés et combattus, la situation des engagés indiens n'allait guère s'améliorer. La seule contrepartie qu'ils ont obtenue étaient un lopin de terre dans la propriété du maître qu'ils pouvaient cultiver à leur guise mais qui restait insuffisante pour les nourrir eux et leur famille. L'immigration indienne va durer jusqu'en 1885.
Le Conseil Général vote la fin cette même année pour plusieurs raisons :
- Le travailleur indien revenait trop cher en coût (voyage + salaires pendant 5 ans) aux propriétaires terriens en plus il faisait concurrence aux travailleurs indigènes.
- La concurrence entre les immigrants indiens et les noirs créoles avait suscité plusieurs tensions « raciales ».
A la fin de l'immigration, le nombre d'Indiens était d'environ 13 000 individus, la majorité était libre d'engagement. Même lors que l'immigration a été supprimée, les Indiens arrivaient dans les colonies françaises chaque année au nombre d'environ 5 000 par an.
L'Indien dans la société
L'Indien en Martinique
Les Indiens présents en Martinique étaient en majorité des Tamouls, originaire de la région de Madras, embarqués depuis les ports de Pondichéry et Karikal. A partir de 1873, le recrutement se faisait essentiellement depuis le port de Calcutta et ils venaient du Nord-Ouest de l'Inde. Physiquement, ils étaient très différents, n'avaient pas la même allure ni les mêmes aptitudes au travail de la terre. En 1878, Haurigot, un écrivain français témoigne dans son livre « Excursions aux Antilles françaises » :« Ils sont grands, minces, élancés, avec des attaches légères et des traits d’une finesse extrême. Leur cheveux plats sont longs et rudes, et d’un noir terne. Ils sont en général doux et adroits, soumis, obséquieux même. Ils forment une caste distincte qui se mêle peu aux autres habitants et constituent ainsi un élément à part, un noyau nouveau de population ».
Ils étaient appelés les « Koulis » en Martinique et « Malabars » en Guadeloupe. Le terme venait du mot « kuli » dans la langue hindoustani et signifiant laboureur loué à la journée. C’était aussi le nom donné autrefois aux Hindous, aux Chinois et autres Asiatiques qui s’engageaient moyennant salaire pour aller travailler dans une colonie. Ce terme est devenu péjoratif au fil des ans. Les Indiens n'étaient pas des citoyens français comme l'étaient les anciens esclaves. Ils avaient un statut particulier. Il possédait un contrat d'engagement, un livret et un passeport intérieur.
Le contrat d'engagement était obligatoire à tout immigré indien et ne pouvait pas excéder 5 ans. Le livret était obligatoire dès l'âge de 10 ans, c'était une carte d'identité et un moyen de contrôle. L'engagé devait l'avoir à tout moment sur lui sous peine d'amende. Le passeport intérieur était indispensable pour tout adulte de plus de 16 ans sous réserve de payer l'impôt. Les immigrés indiens ont lutté pour devenir des citoyens français à part entière.
Même les enfants indiens nés aux Antilles n'étaient pas des citoyens français (pas de droit du sol malgré la loi française de 1851). Bien que l'Inde était une colonie anglaise à l'époque, ils n'étaient pas non plus des sujets de la Reine d’Angleterre mais restaient placés sous la protection l’Empire de la loi britannique. Ils étaient devenus apatrides en se rendant aux Antilles. Ainsi ils n'étaient pas concernés par la loi de 1913, qui étendait le service militaire aux « quatre vieilles colonies », ni non plus par l'ordre de mobilisation début août 1914. Le Journal officiel de la Guadeloupe publia dans son édition du 25 novembre 1915 que les « descendants d'Hindous immigrés sous l'empire de la convention de juillet 1861 doivent être considérés comme dégagés de toutes obligations militaires ».
La citoyenneté française est un combat de l'homme politique Guadeloupéen Henry Sidambarom (1863-1952), militant contre l'engagement dans les Antilles Françaises et pour la citoyenneté française des travailleurs indiens immigrés qui aboutira par la reconnaissance de l'état français de ces travailleurs en 1922.
Les engagés indiens et les enfants nés de parents indiens en Martinique deviennent donc des français à part entière. A noter que les Indiens Martiniquais n'ont pas participé à la Première Guerre Mondiale parce qu'ils n'étaient ni citoyens français, ni citoyens de la Couronne Britannique. Ils étaient devenus apatrides en venant dans les Antilles.
Son intégration dans une société nouvelle
L'« histoire » de la Martinique était trop récente pour qu'on puisse parler d'une société purement martiniquaise. La population venait d'une immigration récente et malgré deux siècles d'histoire commune entre les anciens esclaves noirs d'origine africaine et les maîtres, des anciens colons européens, elle n'était pas suffisamment homogène pour parler de société martiniquaise. Ainsi à la veille de l'abolition, la population martiniquaise comptait 121 130 habitants répartis comme suit : 9 542 Blancs, 38 729 affranchis et 72 859 esclaves.
A la fin de l'esclavage et donc à l'arrivée des migrants asiatiques, la population de compose de Noirs, de Blancs, de mulâtres (mot utilisé pour désigner les enfants ayant un parent noir et un parent blanc), câpres et câpresses (un grand-parent Noir), octavins (un arrière-grand-parent noir), etc... Les Indiens arrivent dans une île où existe une hiérarchie bien établie. Leur principal enjeu sera de se situer dans un contexte où les disparités entre Noirs et Blancs sont fortes, de même que les rancœurs liées à l'esclavage.
En effet, de nombreux Noirs refusaient catégoriquement de retourner dans les plantations où étaient tombés leurs ancêtres et même leurs contemporains. La volonté d'intégration des Indiens était forte et ils ont du s'employer pour s'insérer dans cette population largement fracturée. De nombreux engagés ont accepté de changer leur nom à consonance à indienne pour avoir un nom plus francisé soit partiellement (par exemple Moutoussamy devient Moutou ou Samy) ou encore complètement (abandon de leur nom d'origine pour un nom français).
Leur but n'était pas de couper avec leurs origines indiennes mais plutôt de s'intégrer et ne pas être un citoyen de second ou troisième rang. Ils voulaient être les égaux des Noirs qui eux-mêmes devaient se faire une place entre les Blancs, les Câpres ou les Mulâtres. De nombreux Indiens ont formé avec les Noirs présents sur place des couples mixtes dès leur arrivée mais encore plus après la Seconde Guerre Mondiale.
A la fin de l'immigration indienne au début du 20ème siècle, les Indiens se battaient pour survivre et devenaient un problème pour le Conseil Général qui décida de les placer au nettoyage des rues. Ces balayeurs renforcés chaque jour par d'autres Indiens qui abandonnaient les plantations occupaient une fonction qui était à l'époque méprisée de beaucoup. Un proverbe naît même de cette fonction : « Tout kouli ni on kout dalo pou'y fè » (Tout Indien se retrouvera un jour ou l'autre balayeur de trottoir). Il annonçait la malédiction, la fatalité du sort réservé aux Indiens.
Dans la société, ils étaient perçus comme des parias. Évariste Zéphirin, écrivain martiniquais les dépeint comme étant « la dernière race après les chiens, des êtres juste bons à vivre dans les excréments, à mendier leur pain et à dormir dans les caniveaux » de la société martiniquaise. Ils restaient en marge de la société, spectateurs de leur vie sans aucun autre choix que de finir comme balayeur de rue.
Ils avaient l'habitude de se rassembler au Grand Marché de Fort-de-France où ils côtoyaient les marchandes comme étant des salariées précaires et détachées de la société comme eux.
Que reste t-il de l'immigration indienne en Martinique ?
Un héritage bien plus présent qu'on ne le croit
« L'Inde » est bien présente en Martinique même si la Guadeloupe qui a connu une immigration indienne près de deux fois plus forte (40 000 hommes et femmes contre 25 000 pour la Martinique) que la Martinique est beaucoup plus « indienne » que celle-ci. Les Indiens par souci d'intégration et non par renoncement à leur culture ont cherché à s'intégrer dans la population par le mariage (mariage mixte surtout avec les descendants des esclaves) ainsi beaucoup d'Indiens se sont fondus dans la population noire sans que l'on ne puisse parler d'extinction des Indiens d'Inde en Martinique. Ils ont aussi opté pour l'intégration par le nom en choisissant des noms plus francisés et en donnant quasi-systématiquement des prénoms français à leur(s) enfant(s) nés dans l'île. De plus, travaillant en collaboration avec les Noirs Créoles, un véritable échange de savoirs s'est installé.
Ils vont apporter leurs danses, leurs danses, leurs chants, leur cuisines épicées et leurs divinités populaires telles que Kaliammaï, Mariemen ou Vishnou. Des temples hindous plus ou moins archaïques abondent dans les campagnes car l'indianité est un phénomène essentiellement rural aux Antilles.