D'où nous vient la tradition des acras le Vendredi Saint ?

Le Vendredi précédant Pâques, les Martiniquais catholiques pratiquants se rendent à l'église pour commémorer la Passion du Christ. Puis, depuis l'église, les fidèles se rendront sur les différents chemins de croix où ils chanteront et prieront tous ensemble afin de perpétuer l'histoire du Calvaire. Cette journée capitale de la tradition chrétienne s'accompagne d'un régime alimentaire particulier. En effet, le jeûne est préconisé. C'est d'ailleurs le dernier jour de jeûne, de la période sainte.

Acras de morueEn cette journée de « pénitence », seuls les légumes et une maigre portion de pain étaient autorisés. Les viandes étaient proscrites de l'alimentation par l'Église catholique durant le Carême. C'est ainsi que les acras vont devenir la solution idéale pour combler ce manque de viande et de sucre.

Il est impossible de déterminer la date exacte à laquelle les acras sont apparus comme coutume du Vendredi Saint. On sait cependant que le mot « acra » signifie « beignet de légumes » dans la langue éwé du Dahomey. C'est une région phare d'où les futurs esclaves étaient prélevés pour être mis en vente pour les Européens sur les ports.

On peut déduire que les acras sont originaires d'Afrique. Quand les esclaves sont arrivés en Martinique, ils y sont venus avec certaines cultures vivrières mais aussi avec un bagage culinaire que les femmes attelées aux travaux domestiques ont reproduit dans les cuisines des maîtres. Les acras de morue eux, s'appelaient « Lozi » qui signifie dans la langue du Dahomey « œil de caïman ». Il était utilisé par les anciennes générations mais a totalement disparu dans les années 60 au profit du terme acra de morue.

Les différentes sources ne laissent pas supposer que les esclaves se nourrissaient d'acras et autres mets originaires de leur Afrique natale. Les femmes qui travaillaient dans les champs n'avaient guère le temps de se consacrer à la cuisine et étaient exclusivement concentrées sur les dures labeurs des plantations. Il est donc fort à parier que ces acras étaient consommés essentiellement par les maîtres et leur famille.

Acras de morueSachant que cette journée ne laissait pas la place à des festins carnés, à une période inconnue (esclavage ? 19ème ou 20ème siècle ?), la population s'est tournée inévitablement vers ce plat qui avait déjà pleinement intégré la gastronomie de l'île. Le Vendredi Saint, les acras de légumes (giraumon, chou dur) sont à l'honneur mais vous trouverez aussi ceux à la morue, au poulet, langouste, lambis ou bien sûr aux crevettes.

Depuis, de générations en générations, les acras sont devenus un symbole culinaire des Antilles. On y retrouve la mixité qui fait notre population. De ce plat africain, les Indiens y apporté les épices, les Africains y ont intégré la morue et les Blancs Créoles y ont ajouté la farine de blé et d'autres ingrédients.

A noter qu'en Martinique nous utilisons plus fréquemment le terme de « marinade » mais en France métropolitaine c'est le terme « acra » qui est préféré, la marinade étant un mélange de vin, de vinaigre salé et épicé utilisé pour faire macérer du poisson ou de la viande avant la cuisson.

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