La Martinique, une possession française
Au 17ème siècle, l'Europe est en proie à des violents conflits notamment au sujet du partage des terres américaines. Des alliances se font et se défont, les ennemis d'hier deviennent les amis du lendemain... pour redevenir ennemis. Ainsi ces mêmes conflits sont exportés dans les colonies américaines. Les batailles pour les terres sont nombreuses et la Martinique à l'image d'autres îles de la zone ou du continent américain seront parfois des possessions d'une, puis une autre grande puissance coloniale européenne.
Le 15 septembre 1635, Pierre Belain d’Esnambuc, un flibustier (pirate) normand débarque avec 150 autres colons dans les environs de l'actuelle Plage du Coin au Carbet. Petit à petit, ils s'installent sur la côte Caraïbe dans les environs du Carbet, Bellefontaine, Saint-Pierre, au Nord, et Case-Pilote au sud.
La cohabitation avec les Indiens Caraïbes tournent à l'affrontement. Ils n'apprécient guère cet étranger qui leur vole leurs terres et souhaitent les utiliser comme main d’œuvre dans leurs plantations. La cohabitation ne durera que 30 années. Les Indiens sont soit disséminés, soit chassés hors de l'île. Certains fuient vers l'île de la Dominique ou celle de Saint Vincent. Très peu ont réussi à s'intégrer dans la population locale.
Le partage de l'Amérique, la guerre du sucre
Les Hollandais leaders du commerce
En 1674, la Martinique est donc une terre simplement française quand l'imposante flotte néerlandaise de l'Amiral Michiel de Ruyter (photo ci-contre) débarque pour s'emparer de la Martinique le 20 juillet de la même année. Auparavant, les Hollandais organisés en sept grandes provinces en Europe (Provinces-Unies) étaient les leaders mondiaux dans le commerce de produits d'Amérique et notamment le sucre de canne.
Côté français, la Compagnie des Indes Occidentales chargée de l'acheminement de marchandises en Europe était complètement inefficace et voyaient les Néerlandais les dominer même dans l'expédition de marchandises venant des possessions françaises. Cette situation agace Louis XIV, le Roi de France et Colbert son contrôleur général des finances.
La réaction française
Pour contrer cela, Colbert interdit le commerce des possessions françaises avec les autres puissances européennes. Le 23 Janvier 1672, Louis XIV décide d'attaquer la Hollande et somme Jean-Charles de Baas, le Gouverneur Général des îles françaises d'Amérique d'accélérer les travaux de construction du Fort-Royal de la Martinique en vue d'une attaque hollandaise en Martinique. Le 7 avril 1672, il décide d'attaquer les Provinces-Unies avec l'aide de l'allié anglais.
L'armistice anglo-néerlandaise
Dans la Caraïbe, les Anglais s'emparent de Saint-Eustache et Saba deux îles au sud de Puerto-Rico mais échouent à s'emparer de Curaçao l'île-entrepot de la zone. Les Anglais et Hollandais pactisent et les Néerlandais promettent aux Français de se venger contre leurs possessions antillaises et notamment la Martinique.
Bataille du Fort-Royal ou bataille du Rhum
L'imposante armada néerlandaise
Le 8 juin 1674, l'Amiral Michiel de Ruyter dont les nombreuses victoires en Atlantique ou en Méditerranée l'avaient rendu populaire en Provinces-Unies, quitte la Hollande avec une flotte impressionnante de 40 navires en vue de s'emparer de la Martinique.
3 400 marins et 4 000 soldats l'accompagnent dans l'ambitieux projet. Sûrs de leur victoire, les Néerlandais désignent le Comte de Stirum comme futur Gouverneur de la Martinique. Il embarque lui aussi dans un des des bateaux prévus pour l'expédition.
Le 19 juillet 1674, l'escadre hollandaise arrive péniblement aux Anses d'Arlet portée par un vent faible. La défense française s'organise avec une troupe de seulement 161 hommes à disposition. La flotte française ne contient à l'époque que 2 navires de guerre et 6 bateaux marchands ! De plus, c'est le Chevalier de Saint-Marthe qui est chargé de remplacer Baas malade, pour diriger et coordonner la riposte.
Arrivée dans la Baie de Fort-Royal
Le lendemain, les Hollandais arrivent dans la baie de Fort-Royal.
Sainte-Marthe veut absolument bloquer l'accès à l'Anse du Carénage, la droite du fort qui permettrait aux troupes de débarquer sur place.
Stratégie française
Il fait couler les 3 bateaux marchands dans la baie du Carénage pour en bloquer l'accès. Bloqué, l'Amiral de Ruyter pilonne le fort et fait débarquer à bord de chaloupes 4000 hommes sur le rivage et leur donne quartier libre pour la journée.
Ces hommes, au lieu de se reposer s'adonnent à des pillages de magasins et s'emparent de barriques de vin et de guildive (ancien nom du rhum) qu'ils consomment en forte proportion.
Il lance l'attaque du fort en fin de journée en tentant de s'emparer du fort avec ses troupes (ivres!) au sol. Les Français résistent embusqués derrière les palissades et font feu de tout bois. 1 300 hommes tombent côté néerlandais contre 6 français !
L'incroyable victoire française !
De nombreux quiproquos se produisent et une véritable guerre des nerfs a lieu entre les Néerlandais et les Français qui tour à tour pensent que le camp opposé a gagné la bataille. Les Néerlandais se retirent en utilisant des tonneaux de guildive comme protection. Le bruit provoqué par le retrait des Hollandais fait les Français complètement épuisés croire à une défaite de leur camp et renoncer. Sainte-Marthe hisse le pavillon des Provinces-Unies sur le fort et s'en va.
Mais au petit matin du 21 juillet, les Français n'entendent aucun bruit sur le rivage et sont surpris de voir que les Hollandais ont renoncé à conquérir l'île. Cependant, les hommes envoyés par Sainte-Marthe la nuit tombée arrivent pour prévenir Baas de la défaite du Fort-Royal et lui transmettent alors l’information alors erronée.
La France est bel et bien la grande gagnante de la bataille du Rhum ou bataille du Fort-Royal.
Le rhum cause de la défaite néerlandaise ?
Cette bataille a été appelée Bataille du Rhum parce que c'est l'abus de "guildive", l'ancien nom du rhum, consommée en forte proportion et l'ivresse des soldats néerlandais totalement brouillons qui les a rendus incapables de riposter à la « petite » armée française (en nombre).
Reconnue par Louis XIV comme l'une des plus grandes victoires de son règne, il fait frapper une médaille portant la mention : « Les Bataves défaits et mis en fuite à la Martinique 1674 ».