Comme chaque année, le Tour de Martinique des Yoles Rondes aura lieu fin Juillet - début Août. Ce sera à l'occasion la 38ème édition de l'épreuve.
Chaque année, le Tour des Yoles de Martinique constitue l’évènement majeur des grandes vacances en Martinique. Il a lieu durant une semaine généralement fin-Juillet début-Août et met en compétitions une vingtaine de yoles rondes qui s’affrontent dans le but de remporter le maillot rouge du vainqueur.
Tout d’abord qu’est-ce qu’une yole ?
La yole est une embarcation légère, étroite et allongée qui propulsée à la façon aviron. Les premières yoles sont apparues en Europe vers le 17ème siècle et étaient utilisées dans des compétitions entres rameurs. Le mot « yole » vient du norvégien « jol » qui signifie canot (cf. photo ci-contre d'une « jol » norvégienne).
C’est d’abord le gommier qui arrive en Martinique au début des années 1900. C’est un canot fabriqué à l’aide d’une voile en tissu et d’un bois, le gommier dont il a adopté le nom. Les gommiers servaient à la pêche et des courses étaient organisées entre pêcheurs. Les gommiers les plus célèbres étaient Miss Paulette du Vauclin, Yvette Bien Aimée du François, Nelly du Robert ou encore Dieu Madre des Anses d’Arlet.
Ces courses attiraient déjà de nombreux spectateurs.
Mais le gommier devenu rare dans les forêts martiniquaises et instable quand il fallait supporter une importante voilure, il fallait se tourner vers une autre solution. C’est à cette période qu’est apparue la yole vers 1940 dans les ateliers d’un charpentier de la marine Jean Lafontaine au François.
La construction d’une yole est souvent longue. Il faut avoir le temps et les moyens financiers pour rassembler les outils de construction. Sur une quille solidement fixée à un étambot sont fixées des membrures, des planches de bois de forme arrondie.
Elles sont calfeutrées et mastiquées pour assurer l’étanchéité de l’embarcation. Tous les travaux sont réalisés à l’aide d’une hache dans les ateliers d’un charpentier marin.
La coque d'une yole d'aujourd'hui d’une longueur comprise entre 8 et 9,30 m en moyenne doit être assez solide pour supporter un mât et les différents bois dressés. Le bois utilisé pour la construction est le poirier local sauf pour la vergue où il s’agit de bambou. Enfin, après la fabrication la peinture est confiée à un peintre spécialiste.
Il faut cependant savoir que la yole est dessinée, pensée dans les moindres détails avant même de commencer la découpe des bois pour sa conception. Tout (taille, forme, coupe, couleurs, financement) est défini en amont de manière à en faire une embarcation qui répondra aux attentes du patron et de l’équipage pour qui elle est prévue.
Premières courses
Après sa conception en 1940, la yole plus rapide et plus stable en mer que le gommier sera alors adoptée par les pêcheurs. Ces derniers se lancent des défis lors de joutes verbales « tiraj » pour vendre leurs poissons le plus rapidement. Le dimanche suivant, après la messe ces pêcheurs se retrouvaient dans leur embarcation et se disputaient des régates acharnées. Les Békés n’hésitaient pas à parier sur une yole représentant leur quartier ou leur commune.
En 1945, les courses deviennent réglementées et des régates sont organisées entre des communes voisines mais il faudra attendre les années 1960 pour voir les prémices du Tour de la Martinique des Yoles Rondes tel que nous le connaissons actuellement.
En 1966, quatre passionnées se lancent le défi de réaliser un tour de l’île à bord des yoles. Les yoles s’appelaient Étoile, Frisson, Odyssée et Mouette ou Boeing selon les sources. L’équipage n’était composé que de 3 coursiers ! Un barreur et deux dresseurs qui sur des embarcations de 7 mètres de longueur atteignent leur but au cours de 4 étapes chacune disputée au cours du week-end.
Ce tour de la Martinique aura à nouveau lieu en 1967 et 1968 avant de s’arrêter suite aux difficultés de navigation rencontrées lors de l’édition 1968.
Cependant les courses sont populaires et attirent un large public aux abords des plages et c’est ainsi que naîtra une organisation, la Société des Yoles et des Gommiers fondée par François Emica alors directeur de l’information à Radio France Outremer, Georges Brival, un publicitaire passionnée des yoles et les propriétaires de yoles rondes parmi lesquels Henri Hayot, Théogène Marie-Louise, Viviès, Dachir Christophe et Albéric Ursulet en 1972.
En 1981, les gommiers se séparent des yoles et l’association est renommée Société des Yoles Rondes.
18 régates sont organisées tout au long de l’année généralement lors des fêtes patronales mais aussi lors de fêtes nationales (14 juillet ou Armistice du 11 novembre)
Treize ans plus tard, en 1985, Georges Brival (Photo ci-contre source: georgesbrival.com) alors président de la Société des Yoles Rondes de la Martinique relance l’idée de l’organisation d’un tour de la Martinique des Yoles Rondes. Les municipalités seront les premières à investir dans l’organisation des épreuves puis ensuite les entreprises locales répondent à l’appel pour sponsoriser ces yoles.
Il faut dire que voir le nom de son entreprise affiché sur la voile d’une embarcation au cours de compétitions de plus en plus populaires était aussi une publicité marquante pour ces dernières.
Le dimanche 11 août 1985, 8 yoles (Monoprix, Nissan, Valda, Locatel, Tac o tac, Raissa, Caresse Antilllaise et Ki sa ou pé di) s’élancent sur un parcours divisé en 5 étapes (Vauclin, Trinité, Saint Pierre, Fort-de-France et Sainte-Anne) au départ du Vauclin avec plus d’une dizaine de coursiers par canot. La yole du Marin Monoprix dirigée par Désiré Lamon remporte l’épreuve.
A partir de 1989, le nombre de yoles participantes varient entre 15 et 21 participants. Pour participer au tour, cela demande un certain budget (frais de logistique, gestion des coursiers, etc…)
Afin d’assurer la relève, une nouvelle section a été créé, les « Bébés Yoles » dans le but de former les nouvelles générations à intégrer et s’entraîner à ce sport unique au monde. Cela a déjà porté ses fruits avec Laurent Mas auparavant coursier de Bébé Yole, patron de la yole gagnante du Tour en 2016, fils de Joseph Mas qui a remporté lui le Tour 4 fois (1986, 1993, 1995 et 1998).
Le Tour des yoles aujourd'hui
Les yoles en elles-mêmes ont constamment évolué pour les rendre plus rapides. Elles ont été allongées passant de 7 à 9 mètres pour contenir plus de coursiers (jusqu’à 14 coursiers), la voile originellement en coton sont remplacées par des voiles en nylon, matière plus légère et permettant d’utiliser des voiles beaucoup plus grandes.
Ce merveilleux spectacle en mer demande malgré tout beaucoup d’aptitudes :
- Physiques car il faut avoir suffisamment de force pour maintenir son bois dressé ou encore manier constamment la pagaie
- Tactiques car il faut savoir selon le vent et les courants quelle taille de voilure sera la plus adaptée
- Managériales car le capitaine doit gérer et commander la vingtaine d’hommes qui compose son équipe.
Spectacle local, le Tour de la Martinique des Yoles Rondes est aussi devenu un atout touristique majeur et ce sport local attrait au-delà des frontières de notre île.
Aujourd’hui le Tour de la Martinique se déroule généralement sur 8 courses dans un parcours inverse des aiguilles d'une montre en raison des courants marins environnants. La première course, le prologue n’est pas pris en compte dans le classement au temps et peut être vu comme un tour de chauffe avant la compétition. Il permet cependant d’attribuer le maillot rouge du leader à l’équipage qui aura remporté la course.
Les différents maillots sont :
- Le maillot rouge du leader au classement général
- Le maillot vert du classement aux points
- Le maillot bleu du vainqueur de l’étape précédente
A noter que des femmes font parfois partie des équipages. D’ailleurs en 2011, une yole Nouvelles Frontières était composée en majorité de femmes et qu’elles ont fait belle figure lors du Tour des Yoles.
Félix Mérine est actuellement le recordman du nombre de victoires avec 10 tours remportés. Cette année encore les « Mapipis » favoris sont nombreux. Alors qui sera le prochain vainqueur ?
Historique du Tour de la Martinique des Yoles Rondes
Année | Ville de départ | Liste des vainqueurs | ||
---|---|---|---|---|
Nom de la yole | Commune représentée | Patron de l'équipage | ||
1985 | Vauclin | Monoprix | Marin | Désiré Lamon |
1986 | Marin | Caresse Antillaise | François | Joseph Mas |
1987 | Vauclin | Nissan | François | Charles Exilie |
1988 | Marin | Martinique Chanflor | Le Robert | Frantz Ferjules |
1989 | Le Robert | Nissan | François | Georges-Henry Lagier |
1990 | François | Budget | Le Robert | Félix Mérine |
1991 | Le Robert | Sisal | Le Robert | Frantz Ferjules |
1992 | Fort-de-France | Ets. Rosette | François | Charles Exilie |
1993 | Fort-de-France | Ho Hio Hen | François | Joseph Mas |
1994 | Le Robert | Ets. Rosette | François | Georges-Henry Lagier |
1995 | Sainte-Anne | Ho Hio Hen | François | Joseph Mas |
1996 | Schœlcher | Ets. Rosette | François | Georges-Henry Lagier |
1997 | Trinité | Ets. Rosette | François | Georges-Henry Lagier |
1998 | Diamant | Ho Hio Hen | François | Joseph Mas |
1999 | Le Robert | Ets. Rosette | François | Georges-Henry Lagier |
2000 | François | Ets. Rosette – France Télécom | François | Georges-Henry Lagier |
2001 | Fort-de-France | Géant – Canon | Le Robert | Félix Mérine |
2002 | Saint-Pierre | Géant – Orange | Le Robert | Félix Mérine |
2003 | Fort-de-France | Géant – Orange | Le Robert | Félix Mérine |
2004 | Schœlcher | Ets. Rosette – France Télécom | François | Georges-Henry Lagier |
2005 | Diamant | Ets. Rosette – France Télécom | François | Georges-Henry Lagier |
2006 | Le Robert | U.F.R. – Géant | Le Robert | Félix Mérine |
2007 | Fort-de-France | U.F.R. – Géant | Le Robert | Félix Mérine |
2008 | Trinité | Mirsa – Dr Roots | François | Joseph Mas |
2009 | Vauclin | Joseph Cottrell – Optical | François | Guy-Albert Romer |
2010 | Fort-de-France | Joseph Cottrell – Leader Mat | François | Guy-Albert Romer |
2011 | Le Robert | U.F.R. – Chanflor | Le Robert | Félix Mérine |
2012 | Le Robert | Brasserie Lorraine – ISUZU | Marin | Johan Jacqua |
2013 | Marin | U.F.R. – Chanflor | Le Robert | Félix Mérine |
2014 | Fort-de-France | Ets. Rosette – Orange | François | Jacques Amalir |
2015 | François | U.F.R. – Chanflor | Le Robert | Félix Mérine |
2016 | Fort-de-France | Zapetti – Appaloosa | François | Laurent Mas |
2017 | Fort-de-France | Ets. Rosette – Orange | François | Jacques Amalir |
2018 | Schœlcher | U.F.R. – Chanflor | Le Robert | Félix Mérine |
2019 | François | Brasserie Lorraine – SARA énergies nouvelles | Marin | Diany Rémy |
2022 | Vauclin | SARA énergies nouvelles – Autodistribution | Marin | Diany Rémy |
2023 | Fort-de-France | U.F.R. – Chanflor | Le Robert | Félix Mérine |