Alfred Marie-Jeanne est un homme politique martiniquais, très certainement celui qui a eu la carrière politique la plus longue en ayant siégé à différents postes politiques pendant plus d'un demi-siècle.
Enfance et début de carrière
Alfred Marie-Jeanne naît le 15 Novembre 1936 à Rivière-Pilote d'une martiniquaise et un gendarme métropolitain en poste pour une durée limitée dans l'île. Dans sa commune de Rivière-Pilote il effectue ses études avant d'aller étudier au Lycée Schœlcher à Fort-de-France où il obtient son baccalauréat série mathématiques. Il poursuit ses études à l'École Normale ancêtre de l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Il y obtient le diplôme pour devenir instituteur. Il va débuter en étant enseignant dans une école des Terres-Sainvilles un quartier historique de Fort-de-France.
Par la suite, il obtient une maîtrise en sciences économiques à l'Université des Antilles et de Guyane puis réussit au concours de Professeurs d'Enseignement Général de Collège (P.E.G.C.) et est affecté au collège Jacques Roumain de Rivière-Pilote en tant que professeur de mathématiques.
Carrière politique
En 1971, Marie-Jeanne alors sans parti politique mais se revendiquant de gauche se présente aux élections municipales de Rivière-Pilote et les remportent. Il est élu Maire de la commune en triomphant face à Jules Sauphanor. Deux ans plus tard, il est élu conseiller général du canton de Rivière-Pilote.
Aux élections législatives de 1973, Alfred Marie-Jeanne s'allie avec le Parti Progressiste Martiniquais avec Rodolphe Désiré, futur Maire du Marin. Ils s'unissent avec comme objectif principal de porter des idées de reconnaissance de la nation martiniquaise. Cette alliance est un échec et ils réalisent un faible score, étant éliminés dès le premier tour. Il faut dire qu'à l'époque une grande majorité de la population martiniquaise était fermement opposée à toute idée d'indépendance et craignait de voir de telles idées portées par des élus martiniquais à l'Assemblée Nationale.
En 1973, il fonde avec Garcin Malsa, le mouvement "La Parole au Peuple" qui va devenir le 1er Juillet 1978, le Mouvement Indépendantiste Martiniquais.
En 1974, lors d'une rencontre avec François Mitterrand, il revendique le droit à la Martinique d'être une nation et revendique le droit à l'autodétermination, un protocole d'accession à l'indépendance de l'île tout en conservant des relations de coopération avec l'Europe.
Ses prises de paroles de plus en plus marquées font rapidement de lui le leader martiniquais de la mouvance indépendantiste et reçoit un soutien populaire de plus en plus important localement. Par ses militants et même opposants politiques, il est surnommé « Chabin », un mot utilisé pour désigner des personnes noires claires de peau. Il appelle ses militants à ne pas participer aux élections nationales et s'abstient à différentes élections présidentielles.
Par la suite, probablement par stratégie politique, Alfred Marie-Jeanne tempère ses intentions indépendantistes, la population y étant fermement opposée ne réclamant désormais que la reconnaissance du peuple martiniquais en tant qu'entité.
En 1990, il se présente aux élections du Conseil Régional et obtient 7 sièges, puis accroît ce nombre à 9 deux ans plus tard. En 1993, il perd au deuxième tour face à André Lesueur aux élections législatives arrondissement du sud de la Martinique.
En 1997, il sort largement victorieux face au même André Lesueur aux élections législatives et est élu Député de la Martinique. L'année suivante, il obtient 13 sièges au Conseil Régional et est élu Président du Conseil Régional en s'alliant avec les candidats de gauche face à Pierre Petit.
En 1999, avec Lucette Michaux-Chevry et Patrick Karam respectivement Président des Conseils Régionaux de Guadeloupe et Guyane, Marie-Jeanne signe la Déclaration de Basse-Terre réclamant un statut de région autonome pour les trois territoires français.
En 2000, il lance le « Projet Martinique » visant à doter l'île d'un statut de région d'outremer autonome et d'obtenir un régime fiscal et social adapté aux spécificités de l'île. La même année, il se représente pas aux élections municipales de sa commune en raison de la loi de cumul des mandats et laisse la place à son poulain Lucien Veilleur, largement élu.
En 2001, il échoue à se faire élire Maire de Fort-de-France mais réussit ses deux élections suivantes en étant réélu Député de la Martinique en 2002 puis à nouveau Président du Conseil Régional en 2004.
En 2006, Alfred Marie-Jeanne lance le Schéma Martiniquais de Développement Économique (S.D.M.E.). Ce projet vise à préparer la Martinique du futur en listant les priorités pour améliorer le développement économique de l'île dans plusieurs domaines (emploi, formation professionnelle, environnement, aménagement du territoire, développement durable, mise en valeur des ressources naturelle, coopération régionale et internationale, recherche et innovation).
En 2007, Marie-Jeanne est réélu Député de la Martinique en triomphant encore plus largement de son éternel rival André Lesueur.
Le 10 Janvier 2010, une Martinique encore fermement opposée à l'indépendance de l'île vote non au référendum accordant à l'île un statut d'autonomie au grand désarroi de Marie-Jeanne qui avait fait campagne pour le oui. La fusion entre le Conseil Général et Régional est par contre accepté lors du référendum du 24 Janvier de la même année.
Le 6 Août 2011, il est honoré dans sa commune de Rivière-Pilote quand le state municipale situé au quartier En Camée est baptisé Stade Alfred Marie-Jeanne.
Deux ans plus tard, Alfred Marie-Jeanne s'incline face à Serge Letchimy, leader du Parti Progressiste Martiniquais aux élections régionales mais siège à l'Assemblée en tant que leader de l'opposition.
En 2012, dans le but d'avoir plus de députés de son parti à l'Assemblée Nationale, il se présente dans la 1ère circonscription de la Martinique (François, Robert, Trinité, Lamentin, Gros-Morne) et réussit son pari en gagnant le siège face à Louis-Joseph Manscour. Il laisse « sa » circonscription du sud à son poulain, Jean-Philippe Nilor.
En Décembre 2015, les Conseils Régionaux et Nationaux fusionnent et deviennent la Collectivité Territoriale de la Martinique (C.T.M.). Pour la première élection territoriale, les rivaux historiques, Alfred Marie-Jeanne et Serge Letchimy s'affrontent et Marie-Jeanne grâce à son alliance avec Yan Monplaisir le leader des Républicains au cours de la même élection remporte les élection et est élu Président du Conseil Exécutif de la Martinique.
Il ne se représente pas aux élections législatives de 2017 se concentrant uniquement sur son poste de Président exécutif de la collectivité.
En 2019, suite à une concours et élection populaire, il présente le drapeau "Ipséité" et l'hymne retenu par les votants. Ces derniers n'ont vocation à être utilisés que lors de manifestions culturelles et sportives internationales. En Novembre 2021, un tribunal va annuler la décision prise par le dirigeant de la CTM.
En 2021, battu de peu par Letchimy aux élections de la C.T.M. il démissionne de son poste au sein de l'assemblée de Martinique.
En 2022, il revient dans « sa » circonscription du sud de la Martinique mais son ex-poulain devenu l'un de ses plus fervents adversaires ne l'entend pas de cette oreille. Les deux s'affrontent au cours du 2ème tour des législatives et Marie-Jeanne est largement battu.
Suite à cet échec, Marie-Jeanne qui avait déclaré « croire dans le peuple » et qu'il « mourrait au pouvoir » se retrouve sans mandat depuis 51 ans ! Il déclarera malgré tout qu'il continuera à se battre pour son peuple suite à cet échec : « Je prends acte du résultat du second tour (…) je poursuivrai la défense des intérêts de mon pays avec honneur et fierté. Jusqu’au bout. »
Affaires judiciaires
Déclaration de patrimoine
En 2016, suite à un examen de la déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat d'Alfred Marie-Jeanne, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (H.A.T.V.P.) constate des anomalies et de potentielles omissions dans la déclaration de patrimoine de l'ancien député.
Elle fait un signalement au Procureur de la République mais Alfred Marie-Jeanne ne reconnaît que des erreurs faites dans sa déclaration. Il refuse la composition pénale qui lui aurait valu une amende de 2 500 euros et est renvoyé devant le tribunal correctionnel.
Après plusieurs renvois de l'affaire, le 16 février 2022, le tribunal requiert une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec exécution provisoire. Ses avocats Alex Ursulet et Frédérique Pons plaident un « malheureux concours de circonstance », une erreur sans intention de dissimuler des informations.
Deux mois plus tard, le tribunal le reconnaît coupable d'avoir déclaré de manière incomplète ou mensongère son patrimoine. Il est condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.
Alfred Marie-Jeanne fait appel de cette décision ce qui lui permet de se présenter aux législatives de juin, l'appel ayant rendu la décision du tribunal suspensive.
Affaire « Green Parrot »
En 2004, suite à un séisme de magnitude 6.3 qui cause des dégâts matériels importants sur l'île de la Dominique, le gouvernement local sollicite l'aide la Région Martinique. Alfred Marie-Jeanne était alors son Président et sa fille Maguy dirigeait alors le service coopération.
Une délégation se déplace à la Dominique pour évaluer l'intensité des dégâts et ainsi décider du montant de l'aider à apporter. La décision est prise de reconstruire l'école Roosevelt Douglas de Porthsmouth.
Une enveloppe de 518 000 euros est allouée en plénière, puis une rallonge de 100 000 euros et enfin une aide exceptionnelle de 848 000 euros, les trois fois validées par la commission permanente de l'assemblée.
En 2010, un informateur anonyme dénonce des subventions accordées qui seraient selon lui irrégulières et signe ce document « Green Parrot » (perroquet vert en français). Le document est relayé dans les médias et sur internet. Elle remet en cause l'attribution de ce marché à Mark Frampton, consul honoraire de la Dominique et également compagnon de Maguy Marie-Jeanne. Une enquête judiciaire est lancée et en Février 2013, Alfred Marie-Jeanne, sa fille Maguy et Mark Frampton sont mis en examen dans le cadre de l'enquête.
Le 2 Mars 2016, alors que Marie-Jeanne devait comparaître devant le tribunal de Fort-de-France, ses supporters viennent en masse lui apporter leur soutien et dénoncent un procès fait au peuple martiniquais. Le procès est alors déplacé à Paris face aux tensions locales.
Alfred Marie-Jeanne est alors porté en triomphe à l'aéroport pour son départ à Paris afin d'assister aux séances. Le procès est reporté plusieurs fois notamment à cause d'irrégularités constatées dans l'ordonnance de renvoi. Ses avocats ont démontré avec succès plusieurs irrégularités comme l'absence d'éléments à charge pour certains prévenus ou des documents anti-datés.
Le Parquet de Paris requiert le renvoi de l'ordonnance vers le ministère public pour rectification. Les juges prononcent le renvoi de l'affaire à une date ultérieure.