Édouard Glissant est un écrivain martiniquais considéré comme l'un des pères de la créolité. Il naît le 21 Septembre 1928 à Bezaudin un quartier de Sainte-Marie. Issu d'une famille de cinq enfants, il est le fils d'un géreur d'Habitation, personnage central de l'habitation qui incarne l'autorité et le respect de l'ordre établi.
Il intègre l'école primaire au Lamentin dans une atmosphère studieuse où il est interdit aux enfants de parler le créole selon le modèle imposé par l'autorité coloniale.
Il continuera ses études au Lycée Schoelcher en 1938 où l'enseignement visait l'excellence et la formation des futures élites de l'île. Deux ans plus tard, Aimé Césaire sera nommé professeur de philosophie dans ce même lycée mais ne sera pas son professeur.
Passionné de littérature, il participe à un groupe élaboré de jeune lamentinois à des essais d'écriture et de poèmes. Il s'éloigne de de l'internationalisme marxisme et se rapproche des idées de René Depestre jeune poète haïtien et inscrit plus son île dans la Caraïbe.
Pour ses études supérieures, il part en métropole pour Paris où il intégrera la Sorbonne. Ce sera l'occasion pour lui en 1946, de quitter pour la première fois son île natale. Il y connaîtra des difficultés matérielles, isolement mais également Frantz Fanon autre jeune martiniquais avec lequel il tissera une amitié forte.
Il publie son premier livre, « Un champ d'île » en 1949, publié en 1953, année où il réussira sa licence de philosophie. Il écrit aussi sous la direction de Jean Whal « Découverte et conception du monde dans la poésie contemporaire ». Il publie « La Terre inquiète » en 1955 où il s'ouvre à la vie intellectuelle parisienne.
En 1953, de retour en Martinique, il lie de solides amitiés avec un groupe de poètes : Jean Paris, Jacques Charpier, Henri Pichette, Yves Bonnefoy, Maurice Roche, Kateb Yacune, Jean Laude et René Giroux. Tous affamés de littérature ayant foi dans les luttes de la décolonisation.
Par la suite, il publiera plusieurs nouvelles dans la revue Les Lettres nouvelles de son ami Maurice Nadeau. Il collabore aussi avec la revue Présence Africaine. En 1956, sort son Soleil de la conscience et le poème Les Indes.
Sa carrière connaîtra véritablement un tournant en 1958 quand Édouard Glissant remporte le Prix Renaudot pour son premier roman La Lézarde. Ce récit au style poétisé raconte la trajectoire d'un groupe de jeunes anticolonialistes martiniquais.
Il s'engage contre le colonialisme au cours de débats littéraires et culturels et au sein de la Fédération des Étudiants africains noirs de la Société africaine de Culture. C'est toujours la spécificité antillaise qui fait l'objet de ses interventions dans ce qui était alors appelée la « diaspora noire ». Il est soucieux de rappeler les fondements particuliers de la situation coloniale qui sévit aux Antilles.
Il sympathise avec Albert Béville (pseudo littéraire Paul Niger) alors Administrateur au Ministère des Colonies, guadeloupéen d'origine avec qui il se reconnait une approche commune sur les questions de décolonisation. Il lui dédiera plus part Le Quatrième Siècle publié en 1964. Il remportera le Prix International Charles Veillon. Dans ce roman, vu comme un chef-d'oeuvre capital il défriche les non-dits de l'histoire officielle et livre ses intuitions sur le drame de la colonisation et la créolisation.
Dans un contexte de tension aux débuts des années 60, Glissant est arrêté en Guadeloupe, interdit de séjour aux Antilles et assigné à résidence en métropole. Suite aux décès de son ami Albert Béville et deux autres militants anticolonialistes antillo-guyanais, il prononce un émouvant discours au Palais de la Mutualité à Paris le 6 juillet 1962.
En 1965, Édouard Glissant retourne en Martinique et s'y installe. Il fonde en 1967, l'Institut Martiniquais d'Études (IME), une institution privée d'éducation qui vise à restituer aux Antillais un enseignement en accord avec la réalité de leur histoire et leur géographie. L'IME est aussi un lieu culturel riche où sont organisés des festivals de théâtre ou des colloques interdisciplinaires.
En 1971, il fonde la revue Acoma et s'intéresse au théâtre notamment la pièce Monsieur Toussaint retraçant la vie de Toussaint Louverture.
Il poursuit cependant son oeuvre littéraire avec la parution de l'Intention poétique en 1969, Malemort en 1975 et La Case du Commandeur en 1981. Son Discours antillais publié en 1981 décrit la réalité antillaise dans une approche anthropologique, sociologique, littéraire et historique.
En 1981, il est nommé directeur du Courrier de l’Unesco, poste qu'il va occuper pendant 7 ans avant de partir s'installer aux États-Unis où il deviendra Distinguished Professor à l’Université de Louisiane. Il se passionne pour cette partie des États-Unis où vivent les Cajuns parlant un reliquat de créole. Il tisse des liens entre la Louisiane et les Antilles au cours de colloques interdisciplinaires qu'il organise. Il dirigera au sein de même université le poste de directeur des études françaises et francophones.
Son oeuvre est diffusé sur le territoire des États-Unis mais dans le monde entier aussi. Son rayonnement va croissant dans le monde entier et de nombreux colloques lui sont consacrés. Dans les années 90, il est nommé à la tête du Parlement international des Ecrivains dont il sera le président honoraire en 1993. Il recevra par la suite plusieurs prix littéraires internationaux.
Dans les années 2000, il publie plusieurs essais : La cohée du Lamentin (2005), Une nouvelle région du monde (2006), Philosophie de la Relation (2009).
En 2006, le Président de la République Jacques Chirac lui confie une mission d'élaboration d'un centre national dédié à la Traite et à l'esclavage, mais bien que Glissant y soit particulièrement attaché ne se réalisera pas. Il publie malgré tout : Mémoires des esclavages en 2007. En 2009 il publie son dernier essai Philosophie de la Relation.
Au cours de l'année 2010, alors qu'il est aux États-Unis, sa santé se dégrade et il décide de rentrer en France. Malgré cela son dialogue avec Lise Gauvin, L'imaginaire des langues, paraît en octobre. En novembre, il reçoit un vibrant hommage au Théâtre de l'Odéon pour ce qui sera sa dernière apparition en public.
Il décède le 3 février 2011 à Paris et est enterré au Diamant en Martinique six jours plus tard.