Les bals des colons et début de la musique créole
Après avoir été accostée par Christophe Colomb le 15 Juin 1502 au cours de son quatrième voyage, la Martinique et les autres îles des Petites Antilles n'intéressent guère les Espagnols qui préfèrent les grandes îles plus au nord de l'archipel antillais (Saint-Domingue, Porto-Rico et Cuba).
Pendant plus d'un siècle, la Martinique ne sera qu'une terre connue de l'Europe. Même quand après les Hollandais, Britanniques et Français s'intéressent à la conquête des petites îles, la Martinique avec son relief accidenté et montagneux n'était guère une priorité.
C'est le 15 Septembre 1635 que Pierre Belain d'Esnambuc, un flibustier normand avec une centaine d'hommes allait prendre la possession de l'île sous la commande de Richelieu l'intendant auprès du Roi de France. Dès lors, l'île devient une colonie française.
Jacques Dyel du Parquet, premier Gouverneur de l'île, construit vite Saint-Pierre et en fait un bourg administratif et portuaire. Le développement économique de l'île sera rapide. Des zones entières sont défrichées pour y planter des cultures vouées à l'exportation en France. Le commerce devient vite prospère. En tant que chef-lieu, la ville de Saint-Pierre est dotée de tous les attributs et privilèges du pouvoir : résidences administratives et religieuses et écoles. Les revues militaires et fêtes civiques et religieuses ont un éclat particulier.
Après avoir eu recours aux engagés venus de métropole pour travailler dans les plantations, c'est vers les esclaves venus d'Afrique que les colons allaient se tourner pour développer le système de production de produits agricoles en vue de l'importation sur les marchés européens.
Cette société devient très hiérarchisée entre le Blanc colon possesseur des richesses, puis le libre de couleur et, au dernier grade, l'esclave. Les modèles, les codes, us et coutumes des Européens étaient vus comme des signes de prestige alors que ceux des esclaves étaient barbarisés.
Très tôt, la musique occupait une place importante dans la société coloniale. La musique religieuse et la musique militaire étaient les symboles du pouvoir de la classe dominante (musique de cour, de danse), ceux de sa puissance, sa supériorité en même temps qu'un élément de hiérarchie interne. Ainsi, la musique sera un outil pour les colons d'asseoir encore plus leur puissance et de contester et interdire les codes, attitudes, pratique des esclaves pour l'Église.
Les différentes expressions musicales : militaires, religieuses, savantes, populaires européennes et africaines trouveront leur place. De leur cohabitation naîtra la musique créole qui sera dès ses débuts le langage de l'esclave né et baptisé dans l'île.
La production musicale religieuse ou profane était très importante à l'époque. Le peuplement tardif des Antilles Françaises donne lieu à une situation musicale très spécifique. Essentiellement profane du fait que les colons vivant en Martinique au 18ème siècle étaient davantage intéressés par la musique lyrique. Les artistes sont nombreux et font des va-et-vient entre la métropole et la Martinique, puis lors de la Révolution s'installent dans le reste de la Caraïbe et les États-Unis.

Les bals étaient nombreux et occupaient la plus grande place après le jeu. D'ailleurs, dans ces derniers où tous participaient, on retrouvait souvent une émulation entre les musiciens militaires et les esclaves. Tous deux animaient. Les premiers effectuaient des danses de cour, menuets, gavottes, allemandes, branles, etc... tandis que les seconds effectuaient davantage des danses du Nouveau Monde : fandango, chacones, forlanes, menuets congos, etc... Ces dernières faisaient la joie des colons.
Le violon était souvent de sortie pour ces bals accompagné par tambour ou un tambour de basque qui était joué par les esclaves. Quand un esclave savait jouer de la trompette, il était tout heureux, de même que ses maîtres, de pouvoir jouer des voltes. Il réhaussait le prestige de la maison.
À la fin de la journée, les agents des compagnies et les riches colons aimaient jouer de la musique d'ensemble. Les femmes et les jeunes filles se mettaient au clavecin ou pianoforte et chantaient des airs de cour. Les hommes écoutaient et se faisaient applaudir.
Les moins fortunés occupaient leurs soirées à jouer des instruments pendant que les femmes et les jeunes dansaient.
Les danses étaient nombreuses et variaient selon les pays ou régions d'origine du colon. Elles sont généralement vives, animées et sautées. Les danses favorites françaises étaient les branles et les voltes, les passe-pieds, les gavottes et les sarabandes. Il faut leur rajouter les danses d'origine africaine comme la « gigue des Nègres » ou le « menuet congo ». Les colons raffolaient de ces dernières bien qu'elles soient interdites par l'Église qui les qualifiait de « déshonnêtes ».

Enfin, on finira ce chapitre pour parler des engagés qui seraient à l'origine de l'importation des contredanses sur le sol américain. Elles sont généralement originaires de la Seine-Maritime et la Bretagne, toutes deux des régions longuement occupées par les Anglais. D'ailleurs, le nom original est « country danses », devenu plus tard contredanses.