Histoire du mouvement ouvrier en Martinique de 1848 à nos jours

Le 22 mai 1848, l’esclavage est aboli en Martinique. La société martiniquaise se structure en gardant des stigmates du passé et des plaies ouvertes. Les Békés les descendants des colons français possédaient encore toutes les richesses et la classe émergente était celle des mulâtres et libres de couleur.

La Martinique post-esclavage

Situation économique

Le sucre de canne qui avait fait la fortune de la Martinique se retrouve désormais en concurrence avec celui de betterave une fois arrivé sur les marchés européens. La demande est moins importante et la Martinique connaît une crise sucrière en 1883. En Martinique, la sucrerie traditionnelle des petits planteurs qui fabrique du sucre roux (25 francs/quintal) est en concurrence avec les usines des Békés qui produisent du sucre blanc (36 francs/quintal) de meilleure qualité.

La crise sucrière profite aux familles Békés qui vont étendre leurs propriétés en rachetant à bas prix les terres des petits planteurs qui ont fait faillite. Beaucoup de Martiniquais ayant perdu leur emploi profitent de l’opportunité pour s’expatrier sur les travaux du Canal du Panama où il y a une forte demande de main d’œuvre.

Le Gouverneur de Martinique de l’époque utilise même les termes de « désastres financiers » pour parler de la situation économique de l’île. Du côté des ouvriers agricoles qui constituent la majorité de la population active de l’époque, le salaire journalier baisse de 1 franc. Cela accroît les tensions sociales entre les patrons qui font face à des difficultés colossales pour exporter leur sucre et les ouvriers agricoles qui voient leurs revenus impactés par la situation.

Situation sociale

L’abolition de l’esclavage n’avait nullement résolu les écarts colossaux qui existaient dans les hiérarchies sociales et raciales. Bien au contraire, les Békés étaient encore plus riches qu’au début de l’esclavage, leurs propriétés terriennes s’étaient accrues et les anciens esclaves continuaient de travailler pour leurs anciens maîtres.

La nouvelle devise de la République « liberté, égalité, fraternité » restait très théorique car en réalité les lois protégeaient toujours les puissants et la politique menée dans les territoires restait colonialiste. En Martinique, il s’agissait la classe bourgeoise française liée à l’exploitation des colonies et la classe bourgeoise de Martinique. Même les partis politiques qui défendaient les ouvriers restaient des promoteurs de l’impérialisme français.

Les ouvriers agricoles

Coupeurs de canne à sucre travaillant dans les champs en MartiniqueAu plus de bas de l’échelle sociale, on retrouvait les ouvriers noirs et les « Koulis » (travailleurs originaires d’Inde et de la région du Congo pour combler le manque de main-d’œuvre après l’abolition de l’esclavage). L’ouvrier agricole vivait toujours sur les plantations dans des cases en paille avec le sol en terre battue. Les horaires de travail étaient illimités par contre le salaire fluctuait selon que la situation économique soit bonne ou mauvaise. Le salaire était le « caïdon », un morceau de métal de cuivre portant les initiales du propriétaire. Cette indemnité forçait l’ouvrier à consommer que dans la boutique de son employeur car elle n’avait aucune valeur une fois les barrières de l’Habitation franchie. Cette pratique s’est arrêtée en 1912.

Les ouvriers agricoles vivaient dans une misère totale et la faible rémunération perçue ne leur permettait même pas de se nourrir ainsi que leur famille sans être débiteur auprès de leur employeur. Le salaire journalier n’augmente pas pendant des décennies (1849-1880) bien que les prix augmentent.

L'ouvrier agricole ce n'était pas seulement le père de famille qui travaillait dans les champs, c'était aussi sa femme qui était amarreuse c'est à dire les femmes qui liait avec des cordes les cannes coupées par leurs maris et aussi ses enfants qui n'allaient pas à l'école, bien qu'obligatoire, car ils devaient travailler pour aider aux revenus de la famille.

Les propriétaires terriens

Il y avait aussi des petits propriétaires terriens qui avaient acquis un lopin de terre à la fin de l’esclavage. Ils cultivaient soit des cultures vivrières ou encore de la canne à sucre qu’il vendait à l’usine.

L’usine les payait en fonction du prix de vente du sucre et la crise faisait que leurs revenus étaient minimes. Certains étaient propriétaires de la surface agraire dont ils disposaient et d’autres n’étaient pas propriétaires du sol. Dans cette situations, les petits exploitants se chargeaient juste de cultiver des terres et les entretenir. Les propriétaires leur fournissaient la moitié des engrais, transportaient les cannes à l’usine et conservaient entre 1/3 et la moitié des revenus récoltés. Ce type de système est appelé le colonage. Il était avantageux surtout pour les propriétaires moyens qui ne disposent que de capitaux limités.

Les Békés

Les Békés étaient les descendants des anciens colons. Ils étaient au sommet de la hiérarchie. Ils possédaient la majorité des terres et des richesses. Les ouvriers agricoles et les propriétaires terriens travaillaient pour les Békés qui possédaient les différentes usines de l’île.