Le Carnaval est le plus grand événement populaire de la Martinique. Depuis la période esclavagiste, il était un moment important de cohésion populaire dans l'île qui fait figure de précurseur dans la célébration du Carnaval en Amérique. En effet, le tout premier carnaval célébré sur tout le continent américain l'a été en Martinique. Si la forme était totalement différente, c'est la première fois qu'on a fait référence au Carnaval comme étant une fête où on se déguisait et fêtait de manière populaire.
Comme à cette époque le plus fort du spectacle reste le mardi gras, journée où le spectacle est à son paroxysme en terme d'ambiance et de popularité.
Le Carnaval, deux mois de festivités ?
On ne le répétera jamais assez et si vous avez lu nos autres dossiers sur les célébrations des autres fêtes en Martinique vous saurez que la Martinique est une île où les fêtes ne se résument pas qu'aux simples jours fériés. Ainsi, de même que Noël ne se résume pas au 25 décembre, le Carnaval ne concerne pas que les simples jours gras. Sitôt le jour de l'an célébré, les carnavaliers, groupes à pieds et autres animateurs et metteurs d’ambiance du carnaval sont à pied d'œuvre. Des parades sont organisées dans toute l'île et les élections de reines ont lieu. Des répétitions ont lieu et il n'est pas rare d'entendre des sonorités de tambour en cours de journée.
Bien évidemment le clou du spectacle restent les jours gras. Ces journées font référence à l'histoire catholique de la Martinique. En effet, les jours gras correspondent à des jours du calendrier grégorien catholique qui précèdent le jeûne du carême. Ils sont appelés ainsi car c'était les derniers jours où les chrétiens pouvaient manger gras (de la viande) avant le jeûne du carême. Pour les situer dans l'année, il suffit de prendre comme référence la fête de Pâques et d'effectuer le calcul suivant : les 40 jours précédant la fête de Pâques sont consacrés au jeûne du carême qui débute le jeudi en Martinique, les journées avant le carême sont ceux des jours gras où se célèbre le carnaval. Ainsi le carnaval de Martinique a généralement lieu en février ou début mars.
Dans le reste de la Caraïbe et notamment les anciennes colonies britanniques, les jours réservés au Carnaval ne sont pas les mêmes. La Grande-Bretagne étant un pays protestant ne célébrait pas le carême. Aussi, quand la contagion du carnaval s'est répandue dans la Caraïbe, il a trouvé des références différentes pour être célébré. On peut citer l'île de Barbade oú son carnaval très célèbre dans le monde et popularisé par la chanteuse Rihanna a lieu début Août, à la fin de la période des récoltes de la canne à sucre lors de sa période coloniale, d'oú son nom de « Crop over » (fin des récoltes en anglais).
Revenons en Martinique, dès le mois de Janvier, des reines, reines-mères et mini-reines sont élues pour parader en tête des chars. Chaque commune élit ses trois représentantes selon plusieurs critères qui sont l'originalité du costume, sa popularité dans le public venu assister au show et le charisme des candidates. Une fois élues, elles seront mises à l'honneur au cours de toutes les parades organisées dans la commune avant les jours gras et durant les défilés du carnaval.
De l'autre côté des associations locales préparent le « Vaval », roi du carnaval, sorte de marionnette géante présentée en tête de cortège lors du carnaval. C'est le travail d'associations qui œuvrent avec entrain et de manière bénévole plusieurs mois avant l'échéance pour perpétrer cette tradition.
Jusqu'au dimanche gras la marionnette Vaval est inconnue du grand public. Son identité est l'objet de toutes les supputations et constitue souvent le plus gros suspens pré-Carnaval. Il fait souvent référence à un thème politique ou médiatique qui a touché l'île.
Ainsi en 2013, Vaval représentait des homosexuels allant se marier suite à la loi autorisant le mariage entre deux personnes du même sexe, en 2014 il s'agissait d'un moustique en période où la Martinique faisait face au virus du chikungunya et en 2015 une sargasse, algue polluant les côtes Atlantique de l'île. Il y a fort à parier que le thème retenu en 2016 sera celui de l'élection locale dotant la Martinique d'une assemblée unique en décembre 2015.
Retour historique
Élément essentiel du patrimoine martiniquais, le carnaval est né au cœur de la société esclavagiste. A l'époque, les européens vivant dans l'île ou/et les descendants européens nés dans l'île, blancs créoles, souhaitaient pouvoir continuer d'organiser des bals costumés comme ils le faisaient en Europe. L'Église leur accorde le mardi avant le carême comme dernier jour où ils pouvaient manger gras. Au cours de cette journée baptisée « Mardi Gras », ils faisaient des festins de viandes et se déguisaient au cours de cérémonies réservées qu'à leur communauté. Ces bals étaient organisés dans la « Grand'Case » et ne quittaient pas le cadre fermé et clos de la maison.
Les esclaves qui aimaient singer les européens pour se moquer ou reproduire leurs codes se prêtent au jeu en paradant dans les Rues Cases-Nègres avec des déguisements fabriqués avec toute sorte d'objets qu'ils avaient récupéré. Dès lors, le carnaval entrait dans les codes de l'île. C'est plus la version de ces derniers qui a été reprise par les générations futures avec non plus des parades dans les rues des petite maisons des esclaves mais dans les rues des différentes communes de l'île.
Le Carnaval a considérablement évolué. Disparue sa dimension gastronomique où aucun plat spécifique n'y est associé à proprement parler, le carnaval n'est plus qu'une immense parade populaire où le peuple se défoule pendant plusieurs jours, s'amuse sans modération dans des costumes rivalisant parfois de génie et d'inventivité. L'énorme parade de participants déchaînés est appelée le « vidé ».
Le Carnaval d'aujourd'hui
Aujourd'hui, chaque jour gras correspond à des couleurs précises, chacune faisait référence à un fait historique. Ainsi le dimanche c'est la seule journée libre où toutes les couleurs sont de sortie. C'est également la journée choisie pour présenter la marionnette Vaval qui sera à l'honneur durant toute la période.
C'est aussi un challenge pour les différents groupes à pieds qui animent les cortèges à coup d'instruments tels que le tambour, ti-bwa, chacha (maracas) entre autre. Des danses envoûtantes apportent au carnaval son côté festif et de cohésion populaire. Mais que serait le carnaval sans ses chars ou encore ses « bradjacks », vieilles voitures décorées pour l'occasion qui souffrent sous le poids d'une dizaine de jeunes (photo ci-contre).
Le Lundi c’est le mariage burlesque qui est à l’honneur avec un échange des rôles dans le couple. L’homme se pare d’une robe de mariée tandis que la femme porte un costume d’homme. Généralement ce sont des couples déjà formés dans la vie civile qui font cet échange de procédés pour la tradition du Lundi Gras. Si les autres jours, la plupart des carnavaliers se ruent vers Fort-de-France, le lundi c'est le carnaval organisé par une commune du sud (choix de la commune fait plusieurs mois à l'avance), qui se « taille la plus grosse part du gâteau ».
En effet, c'est la Grande Parade du Sud qui rassemble toutes les communes du sud de l'île qui fait office de lieu majeur de rassemblement populaire. Elle a permis un peu de mettre en plus d'attrait pour le sud de l'île et de décentraliser hors de la ville capitale cet événement le temps d'une journée.
Le Mardi Gras c’est le rouge et le noir qui sont à l’honneur. Les diables rouges sont de sortie pour effrayer les plus jeunes de la parade.
Le Mercredi Gras c’est l’incinération du Roi « Vaval ». A cet effet ce sont les couleurs du deuil local qui sont portés à savoir le noir et le blanc. Les veuves éplorées du Roi portent parfois même de fausses larmes pour pleurer celui qui a été à l’honneur quatre jours durant.
A la fin de la journée, celui qui était jusqu'ici le roi, Vaval est alors incinéré devant la foule venue nombreuse aux abords du Malecon, la célèbre baie de Fort-de-France. Après des avis obsèques ironiques remerciant tous les participants, bénévoles et autres qui auront permis à la fête d'avoir été à la hauteur, un incendiaire sans pitié réduit en miette celui qui était jusqu'ici le héros.
Durant toutes ces journées, les festivités se prolongent dans des soirées costumées, endiablées en boîtes de nuit et discothèques jusqu'à la fin de la nuit.
Le jeudi suivant c’est le premier jour du Carême et c’est très certainement le jour le plus calme dans l’île. Plus aucun instrument ne retentit c’est le calme plat dans l'île. Durant 40 jours les boîtes de nuits et autres salles de concerts sont fermées et profitent pour faire des rénovations annuelles.
Contrairement à la Guadeloupe, la Martinique ne célèbre pas la Mi-Carême.
Il faudra attendre Pâques pour que la Martinique festive reprenne son rythme coloré et musical.