Noël est très certainement la fête la plus attendue de l'année. C'est également la fête la plus familiale voire même la plus « collective ». C'est la fête de la famille, des enfants et parfois même de tout un quartier. S'il faut reconnaître que les traditions sont moins suivies aujourd'hui qu'avant il n'en reste pas moins que fêter Noël en Martinique n'est comme nulle part ailleurs dans le monde.
Noël c'est des chants, des chœurs en famille ou entre amis, voisins, voire même des inconnus. Auparavant, les traditionnels « chanté-nwels » démarraient dès le jour de l'Avent (1er décembre), les choses ont bien évoluées aujourd'hui. En effet, dès le lendemain de fête des morts le 2 novembre, Noël occupe tous les esprits.
Des cantiques de Noël chantant la naissance du Christ et la venue des Rois Mages sont entonnés en chœur dans les villes et campagnes. Cette tradition remonterait à la période de l'esclavage. Sous des sonorités telles le ti-bwa (instrument de musique traditionnelle martiniquaise composé d'un bambou disposé sur des tréteaux sur lequel on frappe avec deux baguettes), le cha-cha (maracas fabriqué à partir d'une calebasse que l'on a vidé et rempli de graines), le tambour ou l'harmonica, familles et voisins se réunissaient avec leur livre de cantique à la main pour chanter à la gloire de l'enfant Jésus.
Bien évidemment ce moment collectif se veut joyeux, on oublie tous ses soucis quotidiens et on fait la fête. Comme c'est le cas lors de toutes les autres fêtes religieuses, Noël s'accompagne d'une gastronomie riche. Si avant les mets consommés à Noël étaient très « locaux », aujourd'hui le foie gras est mélangé aux saveurs locales. Au rayon des boissons consommées à Noël, il y a le shrubb et le sirop de groseille. Dès fin novembre, le rhum macérait avec les peaux d'oranges conservées et mises à sécher pour préparer le shrubb. Le sirop de groseilles était également préparé.
Côté nourriture, Noël est la fête la plus redoutée pour les cochons de l'île. Engraissés durant toute l'année dans leur parc, ils étaient tués entre familles, amis et voisins. Aujourd'hui, les familles ne tuent plus le cochon elles-mêmes, elles l'achètent directement dans les différentes boucheries de l'île. Ensuite la viande de cochon est séparée entre les différents participants et sera resservie sous différentes formes lors des traditionnels « chanté-nwels ». Ainsi on retrouvera la viande de porc dans le boudin créole, la fourniture pour les petits pâtés (photo ci-contre), le ragoût bien épicé servi lors du repas du 25 décembre et bien évidemment le jambon fumé. Ajouté à cela, les pois d'Angole sont cueillis ou achetés pour le repas de Noël.
Autour de tout le folklore, Noël reste bien évidemment la fête des enfants. Les parents se pressent dans les magasins de l'île pour offrir à leurs enfants des cadeaux. Preuve que les choses ont bien changé, aujourd'hui la tablette est le cadeau numéro 1 que recevront les enfants à Noël alors qu'avant c'était les parents qui concevaient ou achetaient des petits chevaux ou camions en bois comme cadeau pour leurs enfants. Les cadeaux sont emballés et placés sous le sapin. Ils ne seront ouverts que le 25 décembre au matin.
Le Père-Noël est également présent. Dans son voyage depuis la Finlande, il fait une étape en Martinique pour récompenser les enfants sages ou qui auront eu de bonnes notes durant l'année scolaire. Le 28 décembre, ces jouets seront bénis par les prêtres ou curés lors de la fête des Innocents.
Autrefois, le filao (Casuarina equisetifolia) faisait office d'arbre utilisé comme sapin local, aujourd'hui les parents préfèrent acheter les sapins vendus dans les commerces car moins salissants. En effet, le filao est un arbre jetant facilement ses « feuilles ». Les maisons sont décorées, les rues sont illuminées. L'humeur générale de Noël est excellente car les moments festifs familiaux sont très importants pour les Martiniquais.
Quand vient le 24 au soir, une fois habillés et sapés pour la fête, les croyants s'en vont à la messe de minuit généralement cette messe est proposée pas à minuit mais à la tombée de la nuit. Ensuite ils rejoignent leur famille pour le début des festivités. Le réveillon de Noël regroupe généralement les grandes familles à savoir les grands-parents, oncles et tantes, cousins et cousines. Les cantiques de Noël sont chantés pour une dernière fois et la nourriture abonde sur les tables installées en guise de buffet.
L'alcool coule à flots. Outre le rhum, le shrubb appelé aussi alcool de Noël, le champagne a fait une apparition remarquée dans le début des années 90. Il est d'ailleurs devenu la boisson la plus consommée (après l'eau sic) lors des fêtes de fin d'année. La Martinique est d'ailleurs le département français qui en consomme le plus. Près de 2 millions de bouteilles s'écoulent chaque année !
Sur les buffets on retrouve le boudin créole rouge ou blanc, les pâtés salés, des tranches de jambons de Noël auquel est venu se greffer le foie gras tradition plus « française ». Après ces moments de plaisir en famille, chacun rentre se reposer à son domicile et l'ouverture des cadeaux des enfants aura lieu le lendemain.
A midi, c'est le repas traditionnel qui est préparé : pois d'Angole, ragoût de porc, légumes pays. Une fois le ventre bien rempli, des moments privilégiés entre parents et enfants occupent le reste de la journée parfois autour de jeux de société ou à regarder la télé et les films de Noël diffusés en nombre à cette période.
Dès la tombée de la nuit, il est déjà temps de préparer la journée du lendemain où le train-train quotidien reprend si la journée est ouvrée. Noël s'achève, la joie et la bonne humeur se poursuivent dans l'attente huit jours plus tard du second réveillon de l'année, celui de la Saint-Sylvestre...
Joyeux Noël à tous !